Tesina - Corps sensible et transformation des représentations, propositions pour un modèle perceptive cognitif de la formation d’adulte

Université de Séville
Auteur(s) :

Danis Bois - Professeur agrégé, Docteur en sciences de l'éducation, Fondateur du CERAP

Professeur cathédratique invité de l'Université Fernando Pessoa, Psychopédagogue de la perception, Chercheur en sciences de l'éducation

Ce travail de recherche de mestrado de Danis Bois mené en 2005 préfigure la thèse de doctorat qu'il a soutenue en 2007 sur le thème "le corps sensible et la transformation des représentations de l'adulte : vers un accompagnement perceptivo cognitif à méditation du corps sensible". En effet dans son mémoire de mestrado, Danis Bois développe le modèle perceptive cognitif de la formation d'adultes répondant à la question de recherche : en quoi et comment la réhabilitation du corps sensible peut-elle aider à l'enrichissement des représentations de la personne en formation ? 

Dans ce mémoire vous trouverez notamment le modèle de la modifiabilité perceptive cognitive, le modèle de l'expérience extraquotidienne  et remodèle des 7 étapes du processus de transformation

La modifiabilité perceptive cognitive

 

La notion de modifiabilité comporte une notion de dynamisme, une mise en action des potentialités des personnes, tant au niveau cognitif qu’au niveau de l’éprouvé. L’objectif est de développer un mouvement des idées qui permettra de « mieux être au monde ».

Dans le modèle de la psychopédagogie perceptive, on apprend de la nouveauté qui va émerger en tout premier lieu de l’expérience corporelle, immédiate, dont nous veillerons à ce qu’elle se déroule dans des conditions extra-quotidiennes. En ce sens, la nouveauté est contenue dans un « à venir » interne, corporéisé, et va se constituer sous plusieurs formes : en sensations, en perceptions, en ébauches d’actions, en significations, en états, en mots, en pensées, en tonalités…

Dans ce processus, la perception joue un rôle primordial. La notion de perception constitue dans notre approche un cadre panoramique et multimodal dans lequel la personne est invitée à transformer ses degrés de conscience perceptive. 

Le terme « cognitive » introduit l’idée que l’expérience perceptive va fournir des informations qui vont venir nourrir la réflexion ou, dit autrement, que l’activité perceptive doit, à un moment donné, s’articuler avec l’activité réflexive.

Il ne s’agit pas pour autant de faire un retour mental sur son expérience pour « fabriquer » du sens, dans un après-coup où « la tête », prenant le dessus sur « le corps », se mettrait à « réfléchir » sur l’expérience vécue. Non, il s’agit plutôt d’une activité simultanée, au cours même de l’expérience, de la conscience perceptive qui capte des phénomènes internes, et de la conscience réflexive qui, en témoin, observe ce que je suis en train de vivre dans l’expérience et en saisit certaines significations. 

 

Articuler conscience perceptive et conscience réflexive ne veut donc pas dire que l’on raisonne sur les perceptions ou à propos des perceptions (dans ce cas, il y aurait encore séparation entre les deux) mais que l’on met en route une capacité à saisir du sens à partir de perceptions. Dans ce rapport intime et fondateur à une perception sensible, va pouvoir se construire progressivement un autre rapport à la pensée, voire une nouvelle forme de pensée.

L'expérience extraquotidienne

"La mise en situation extraquotidienne est ainsi nommée par opposition à (ou en complément de) l’expérience quotidienne habituellement interrogée en psychothérapie, notamment dans la thérapie centrée sur la personne proposée par C. Rogers. 

Une situation extraquotidienne implique d’abord qu’elle se déroule dans des conditions qui ne sont pas les conditions usuelles d’une expérience.

Les conditions extraquotidiennes servent à produire des perceptions inédites. C’est cet inédit qui crée l’étonnement, qui fait que l’expérience interne va pouvoir devenir une motivation en soi, qu’un intérêt va se dessiner de la part de la personne pour des aspects d’elle-même et de son expérience qu’elle ne connaissait pas jusque-là. Ces perceptions ne sont pas accessibles par la perception de tous les jours (la perception naturaliste) et demandent, pour être appréhendée, une attention et une intention particulières.

 

Notamment, les conditions de réception de l’information se jouent dans la sphère de l’immédiateté, c'est-à-dire sur un mode préréflexif, en même temps extrêmement présent, avec une grande acuité attentionnelle, et par le canal sensoriel du sensible. Ce n’est pas seulement l’information qui est saisie mais aussi ses effets dans la sphère de l’éprouvé corporel interne. C’est ce mode de perception extraquotidien qui offrira un « ressenti signifiant », un ressenti qui porte un sens. 

 

Pour toutes ces raisons, l’expérience extraquotidienne demande un effort : celui de s’extraire de son quotidien, c'est-à-dire de ses habitudes, de ses modes répétitifs, de ses caricatures, de ses facilités de comportement… L’effort d’aller momentanément dans un lieu de soi à l’abri de tout cela ; l’effort d’accepter, pour progresser, de se donner des temps où l’on quitte le regard sur sa problématique du moment, sur sa vie du moment, sur son décor du moment. Cet effort qui, lui aussi, est inédit, nécessite que l’apprenant soit d’accord pour mener cette expérience, donc qu’on le lui ait explicitement proposé, dans un langage simple et clair, qu’un contrat ait été passé avec lui dans ce sens. A cette condition, tout devient possible. D’autant que, dans le même temps, l’expérience extraquotidienne permet de se sortir de son quotidien, c’est un cadre conçu pour cela : il suffit presque de se prêter à l’expérience pour que la nouveauté surgisse et transcende les limites de l’habitude."

Le modèle des sept étapes du processus de transformation

La phase perceptivo-cognitive (trois étapes), concerne, comme son nom l’indique, le lien entre perception et cognition : c’est, en d’autres termes, la phase où la personne est accompagnée dans l’enrichissement de ses perceptions, puis invitée à mettre en route sa réflexion, son activité cognitive, pour faire des liens entre ses perceptions et une connaissance qu’elle en retire. Il faut dépasser le stade de la sensation pure et tirer de la sensation un enseignement applicable, une information utile. Cette aptitude étant rarement donnée d’avance – rien ne nous éduque dans ce sens – il faut souvent un apprentissage

 

La phase cognitivo-comportementale, (4 étapes), concerne le lien entre la cognition (la connaissance née de l’expérience vécue) et les comportements de la personne. On entre ici dans une sphère plus privée, plus personnalisée, où l’enseignement puisé dans l’expérience extraquotidienne doit être appliqué dans le cadre de vie spécifique de la personne : ainsi s’établit la passerelle entre extraquotidien et quotidien. La personne met en lien d’une part ce qu’elle a vécu et compris à partir de son expérience corporelle et, d’autre part, la manière tout à fait personnelle dont elle s’y prend dans son existence, ses modes d’action et de réaction, ses attitudes de vie, ses stratégies…

 

L’apprenant est ainsi amené à catégoriser les étapes de son processus de construction de sens. À chacune des différents étapes, nous évaluons la capacité de l’apprenant à réceptionner un fait de conscience, à tirer du sens du fait de conscience et à réaliser des rapprochements, des analogies avec ses stratégies comportementales et enfin à analyser si ses stratégies comportementales sont en rapport avec ses valeurs internes.

Nous ne développerons pas dans cette étude les étapes concernant la prise de décision, le passage à l’action et le retour réflexif sur l’action car elles nécessitent une étude approfondie qui fera l’objet de notre recherche future. Nous avons pensé qu’il fallait consolider la compréhension de l’importance du rapport à l’expérience immédiateté car de la qualité de celle-ci dépendront les prises de décision et les mises en action ainsi que le retour réflexif. 

 

 

Danis Bois

Sources: 

Tesina 2005 - Danis Bois "Corps sensible et transformation des représentations, propositions pour un modèle perceptive cognitif de la formation d’adulte" Université de Séville didactique et organisation des institutions éducatives, direction scientifique : : Professeur Docteur Isabel Lòpez Gòrriz, tuteur : Professeur Docteur António Morales