Les thérapies par le toucher - Dr. Laura Zago

Dr. Laura Zago -Congrès Fasciathérapie 2025

 

Pour le Dr Laura Zago, le toucher intentionnel constitue un levier neurophysiologique majeur, capable de réguler le stress, d'influencer les émotions, la douleur et le fonctionnement cérébral grâce à des voies de communication complexes entre le corps et le cerveau, et il présente un fort potentiel thérapeutique.

 

 

Lors du 1er congrès International de fasciathérapie organisé à Vannes les 9 et 10 mai 2025 par Fascia France et le CERAP, le Dr Laura Zago  a présenté l'influence du toucher sur le cerveau. Au cours de sa conférence intitulée : " Les thérapies par le toucher : des interventions pour l’intégration somato-sensorielle et socio-affective, modulant les réponses physiologiques et cérébrales", Laura Zago a expliqué que le toucher, loin d’être un simple sens, est un puissant modulateur du système nerveux. Il est capable d’influencer la douleur, les émotions, le stress et le fonctionnement cérébral.

 

Les découvertes récentes des neurosciences intégratives, discipline qui étudie le système nerveux central dans sa globalité en analysant les voies de communication entre le corps et le cerveau, ont mis en évidence que le toucher intentionnel, attentionné et respectueux constitue une interface de communication entre le corps et le cerveau.

 

Comment se joue la communication cerveau-corps-esprit ? 

 

Le dialogue instauré entre le cerveau le corps est bidirectionnel, médié par des réseaux intégrés complexes formant une architecture d'intégration fonctionnelle essentielle à l'individu, à la survie de l'espèce, mais aussi à la régulation des émotions et à la construction du soi corporel. 

 

L'intéroception joue un rôle central dans cette interaction entre le cerveau, le corps et l'esprit à travers la perception des signaux internes qui font du corps une acteur de régulation et du cerveau un interprète et un modulateur des mécanismes.

 

Il existe cinq voies de communications entre le corps et le cerveau. 

  • Le système nerveux périphérique composé du système nerveux somatique et du système nerveux autonome permet la communication entre une stimulation externe et le système nerveux. Il comprend deux grands systèmes qui participent à l'équilibre homéostatique.

 

  • Le système nerveux somatique, constitué de neurones sensitifs et moteurs qui commande les mouvements et la posture du corps et permet de percevoir diverses sensations et le milieu environnant par les sens extéroceptifs : le toucher, le  vision, l'olfaction, le gout et l'audition)

 

  • Le système nerveux autonome, chef d'orchestre des fonctions vitales inconscientes qui comprend le système sympathique et para sympathique, le premier est responsable des réactions face au danger avec accélération du coeur, dilatation des bronches, sécrétion d'adrénaline, augmentation de la vigilance, tandis que le deuxième est responsable du repos, de la récupération, de la digestion conduisant le corps à la détente et le mental à l'apaisement. Il est aussi impliqué dans les émotions positives, les interactions sociales et la compassion.

Le toucher influence particulièrement le système parasympathique. Au niveau scientifique la mesure de la HRV, qui correspond à la variabilité de la fréquence cardiaque est un indicateur de l'activité du système nerveux autonome. Elle reflète l'activité du système sympathique et la capacité du nerf vague à réguler le coeur et l'état de l'organisme. Une HRV élevée signe un bon état de santé physique, de détente, de résilience au stress et une bonne santé cognitive et mentale.

 

  • Le système neuro endocrinien : notamment l'axe du stress (axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien HHS ou HPA). Lorsque le cerveau détecte un stress, une cascade de réactions se met en place : l'hypothalamus stimule les glandes surrénales qui vont sécréter des glucocorticoïdes et notamment le cortisol qui va agir notamment au niveau métabolique et cardio-vasculaire. Le cortisol va préparer le corps à réagir en augmentant le taux de sucre dans le sang et en stimulant la vigilance. C'est par rétrocontrôle négatif que le cortisol va auto inhiber sa production. Une fois le stress passé le mécanisme se remet à l'état d'équilibre.

 

  • Les voies neuro immunes : l'interaction entre le cerveau et le système immunitaire est une découverte récente et notamment, il existe d'importantes voies auto immunes. Le système immunitaire mobilise des cellules spécialisées pour repérer et neutraliser les intrus comme dans le cas d'une infection. Il produit aussi des cytokines et des chémokines, petites protéines capables d'orchestrer la réponse immunitaire. En cas d'infection le système immunitaire envoie des cytokines inflammatoires qui signalent au cerveau qu’il faut ralentir : c’est par exemple la fièvre ou la fatigue. A l'inverse, quand le cerveau est stressé, l’immunité est modulée par le cortisol qui affaiblit et désorganise la réponse immunitaire. Il y a donc dans ce système des boucles de rétroaction.

 

Notons que ces trois voies sont affectées par le stress chronique qui a des effets délétères sur le fonctionnement cérébral et des effets neuro toxiques  (liés au cortisol) pouvant affecter la mémoire, les émotions et les comportements. Le système sympathique devient prédominant, le système immunitaire génère de l'inflammation laquelle joue sur l'humeur, l'anxiété généralisée, la dépression et les troubles du sommeil. Enfin le stress affaiblit la capacité d'adaptation du cerveau, perturbe l'homéostasie et donc l'équilibre neurophysiologique.

 

  • La communication entre les tissus mous et le cerveau. La peau, les muscles, les tendons, les fascias, les viscères sont riches en mécanorécepteurs, en nocicepteurs et en propriocepteurs.
    • Les voies ascendantes renvoient les informations de la périphérie vers le système nerveux central.
      • On retrouve le système nerveux périphérique avec les nerfs afférents des systèmes somatique et autonome qui sous-tendent les voies proprioceptives (informations en lien avec le mouvement et la posture), les voies intéroceptives (état interne), et les voies nociceptives (douleur et tensions).
      • La deuxième voie ascendante correspond au système neuro endocrinien, les tissus mous libèrant des substances chimiques, les cytokines, médiateurs inflammatoires libérés lors de lésions. Ils peuvent influencer l’axe du stress, et modifier l'activité cérébrale. Et les myokinessubstances libérées par les muscles lors de l'exercice et qui peuvent traverser la barrière hémato-encéphalique et avoir un effet protecteur. 
    • La voie descendante qui va du cerveau vers les tissus avec
      • le SNA qui contrôle le tonus musculaire, la vasodilatation, la motilité viscérale

      • Les axes hormonaux, la modulation d'inflammation, de la tension tissulaire et du seuil douloureux

      •  les voies corticospinales qui gèrent le tonus postural et mouvements fins.

 

Les effets du toucher sur le cerveau 

 

Parmi les touchers étudiés, on distingue le toucher discriminatif qui permet de discriminer la texture, la localisation d'une pression, d'une douleur. il est soustendu par des récepteurs mécanos sensibles situés surtout dans la peau glabre (sans poils) comme au niveau des doigts. Ces récepteurs reliés à des fibres nerveuses myélinisées, à conduction rapide entre 35 à 75 m/s) transmettent l'information mécano sensible au cerveau.

 

Le deuxième type toucher est appelé affectif ou psychosocial. Il a été mis en évidence dans les années 2000 avec la découverte de récepteurs situés dans la peau poilue (bras, dos, visage) s'activant dans un toucher doux, de type caresse, un toucher émotionnel déclenchant un vécu agréable. Ces récepteurs sont  associés à des fibres C-Tactiles mécanos sensibles, à conduction très lente (0,5 et 2 m/s). Il ont la particularité de n'être stimulés que par une stimulation lente et légère correspondant à une vitesse de toucher de 3 cm/s.

 

 

Rôles du toucher socio-affectif

 

La découverte de ces récepteurs à conduit à comprendre au début des années 2000 que la peau que l’on pensait être le plus grand organe sensoriel est en fait un organe

social, il transmet des informations sociales.

 

Des études ont montré que lorsqu’on stimule la peau du nouveau-né avec ce type de toucher, il y a une libération d’ocytocine, hormone qui participe au lien d'attachement, une diminution de la fréquence cardiaque, une augmentation du système parasympathique et une réduction du cortisol. 

 

Chez le bébé et chez l'enfant il a été montré que ce type de toucher permet le développement émotionnel et cognitif, favorisant la régulation émotionnelle.

 

Chez l'adulte il améliore la tolérance à la douleur, il réduit la vigilance autonome et surtout il est peu sensible au vieillissement contrairement au toucher discriminatif.

 

Applications thérapeutiques

 

Au niveau thérapeutique, il a été mis en évidence chez les patients dissociés, anxieux, traumatisés essentiellement avec des pathologies mentales, que ce type de toucher est une porte d'entrée vers la régulation. Il permet de reconstruire le sentiment de soi corporel, de restaurer le lien à l'autre de manière non verbale, et de ré associer la perception du corps au sentiment de sécurité.

 

Le toucher stimule le nerf vague (système nerveux autonome) essentiellement par activation des fibres C-Tactiles et déclenche la réponse parasympathique avec l'apaisement physique et mental. De plus, au niveau du stress, l'activation des fibre C-T  diminue l'activité de l'hypothalamus et donc la sécrétion de cortisol  associée à un bien-être et une disposition positive.

 

Le toucher active certaines branches sensitives du nerf vague notamment lorsqu'on masse certaines zones corporelles comme le visage, le cou, et la gorge qui sont innervés par la branche sensitive cervicale du nerf vague. 

 

Le toucher induit un ralentissement de la respiration, associé souvent avec une baisse de la fréquence cardiaque et une augmentation de la HRV cette mesure qui informe de la balance entre le système sympathique et le système parasympathique.

 

Le ralentissement de la respiration, la baisse de la fréquence cardiaque et l'augmentation de la HRV sont 3 signatures d'une activation vagale. Et c’est le premier mécanisme du toucher sur le nerf vagal.

 

Conclusion :

 

Le toucher est un puissant levier neuro physiologique qui est un pont tangible entre le cerveau et le corps. Il constitue un outil direct de régulation du stress et d'ancrage dans le corps.

 

Les neurosciences intégratives apportent un cadre explicatif cohérent pour comprendre les effets du toucher des thérapies manuelles, mais il est essentiel de promouvoir des

recherches transdisciplinaires, d'ancrer ces pratiques dans des référentiels de santé publique et de dépasser le clivage entre médecine biomédicale et les approches corporelles fondées sur l'expérience.

 

Pour le Dr Laura Zago le toucher doux constitue un outil relationnel et clinique capable de soutenir les fonctions relationnelles du soin à partir du moment où il est codifié, enseigné, évalué, et intentionnel et attentionné et évidemment que ce type de relation de soins soit consenti et cadré.

 

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Dans ce deuxième podcast vous pourrez écouter l'interview du Dr Laura Zago réalisée Amal Dadolle de BloomingYou,  lors du à 1er Congrès international de Fasciathérapie, organisé par fasciafrance  et le CERAP, qui a réuni chercheurs, praticiens et pionniers de la thérapie manuelle autour d’un enjeu commun : comprendre et honorer l’intelligence du vivant.

 

Cliquez sur un des ces liens pour suivre la vidéo sur Youtube,  ou écouter le podcast sur BloomingYou,

Retrouvez les épisodes de toutes les interviews dans la playlist de BloomingYou dédiée au congrès de fasciathérapie et au CERAP