Fasciathérapie et transformation du rapport à la santé

Exemple d'un geste de thérapie manuelle des fascias
Auteur(s) :

Thierry Duval - Kinésithérapeute, formé à la fasciathérapie

Master en psychopédagogie perceptive de l’UFP

Emmanuelle Duprat - Professeure auxiliaire invitée de l'UFP, Médecin psychiatre

Eve Berger - Professeure auxiliaire invitée de l’UFP, professeure assiciée à l'UQAR, docteure en sciences de l'éducation

Professeure associée de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR)

La question de la santé nous concerne tous et occupe une place prépondérante dans notre vie et dans la société. Elle constitue un véritable enjeu car elle convoque de multiples interprétations parfois contradictoires. « Comprendre la santé, comme comprendre toute chose, c’est s’en faire une certaine idée permettant de se situer par rapport à elle, d’ajuster sa pensée et ses actes à ce dont il est question… C’est s’ouvrir à ce en vue de quoi elle est découverte, donc de manifester une intention à son égard. » (Honoré, 1996, p. 57). C’est pourquoi, rester en bonne santé dépend du rapport que nous entretenons avec elle.

Mon expérience professionnelle de kinésithérapeute et fasciathérapeute en cabinet libéral me renvoie le constat récurrent d’une certaine distance des patients vis-à-vis de leur santé. Le comportement de ces derniers se traduit généralement par une difficulté de perception de leur corps et de ce qui peut les rendre malade tant sur le plan physique que psychique.

De plus, on constate qu’il n’y a pas toujours d’homogénéité entre le point de vue individuel et collectif dans ce domaine. Ainsi par exemple, les conclusions du recours à l’auto-évaluation de la santé réclamée aux personnes, en soi un dispositif séduisant car simple et venant du sujet lui-même, affichent leurs limites par la difficulté d’interprétation de la notion de bonne ou mauvaise santé par les intéressés (Leclerc, Kaminski & Lang, 2008, p. 44). « Ils tiennent compte d’éléments divers, dont le fonctionnement physique et l’expérience liée au corps (douleurs), mais accordent moins d’importance à d’autres aspects, qu’il s’agisse de diagnostics ou de dimensions objectivement liées à leur espérance de vie, comme le fait d’être fumeur. » (Ibid., p. 54)

C’est pourquoi de nombreux auteurs ont mis l’accent sur l’importance de l’information de la population concernant la santé. B. Honoré a parlé de la santé comme d’un « objet de connaissance » et a suggéré de « comprendre le sens de la santé dans l’expérience humaine comme une dimension de l’existence » (Honoré, 1999, p. 8). Pour F. Gatto : « Selon les données de santé publique, la santé est déterminée autant par l’aspect sanitaire que social et l’éducation à la santé vise à aider les personnes à s’approprier l’avancement de la connaissance en matière de santé individuelle et collective » (2005, p. 13). A ce propos, le discours de l’éducation sanitaire relève la notion de responsabilité selon laquelle la population devrait prendre conscience qu’elle est en grande partie responsable de son état de santé. Cependant, on pourrait opposer à cette thèse d’autres perspectives : les personnes « n’ont-elles pas d’autres priorités que leur maintien en bonne santé ? » (Tourette-Turgis, citée par Flora, 2008, p. 92) « Le système de soins est-il le seul à contribuer à l’évolution positive de l’état de santé des populations? » (Pomey, 2000, p. 51) Faut-il voir dans ces questionnements la mise en avant de dimensions préventives ? En ce sens, le rapport d’E. Lévy du 7 octobre 1982, publié au journal officiel, sur l’éducation pour la santé, a souligné les limites techniques et financières de l’approche curative de la santé et la pertinence du redéploiement de la politique du système de santé vers la prévention et l’éducation pour la santé.

Sans chercher à vouloir comprendre l’origine des difficultés de compréhension en matière de santé de la part de la population, comment peut-on aider les personnes à s’intéresser véritablement à leur santé ? En soulignant l’importance du savoir et des comportements des individus comme des déterminants majeurs de leur santé, le système médical actuel s’est enrichi de programmes de prévention et d’éducation individualisés. F. Gatto propose par exemple de cibler cet enseignement à la santé au plus près des problématiques corporelles du patient. « En aidant le patient à mieux prendre en charge sa santé, à s’engager, à améliorer ses relations avec son corps, avec les soins, avec la maladie, avec l’environnement (c’est-à-dire en l’aidant à améliorer ses connaissances, sa compréhension et ses possibilités d’action), on contribuerait à améliorer sa santé présente et à venir » (Gatto, 2005, p. 41).

De ce point de vue, la fasciathérapie semble se rapprocher de cette orientation pédagogique, puisque cette pratique vise une efficacité, non seulement sur le plan curatif, mais aussi sur le plan de l’enrichissement du ressenti corporel. Percevoir leur corps différemment lors des séances, permet aux patients de mieux comprendre ce qu’ils lui font vivre au quotidien. De la sorte, ils acquièrent la possibilité de modifier intentionnellement leur attitude vis-à-vis de leur santé.

En tant que praticien-chercheur, ce qui m’a passionné a été d’étudier précisément comment s’effectuait ce changement de rapport à la santé chez les personnes suivies en soins de fasciathérapie. Après une brève présentation de la question du rapport à la santé dans le système de santé actuel et de la place de la fasciathérapie dans ce changement, je développerai quelques points de mes résultats de recherche sur ce sujet.

La santé en question

Comment s’y retrouver dans les méandres de cet univers appelé ‘santé’ ? Homère (1er siècle av. J.-C.) disait en son temps : « La santé, c’est un esprit sain dans un corps sain. » Les définitions actuelles envisagent la santé comme « l’état de quelqu’un dont l’organisme fonctionne normalement » ou « d’une personne dont les fonctions ne sont troublées par aucune maladie » (Grand Larousse, 1991) ou comme « l’état de l’être vivant et particulièrement de l’être humain chez lequel le fonctionnement de tous les organes est harmonieux et régulier ; bon état physiologique » (Hachette). L’OMS1 a élargi la notion de santé à la dimension du bien-être en présentant la santé comme « une ressource de la vie quotidienne permettant à un groupe ou à un individu, d’une part de réaliser ses ambitions et satisfaire ses besoins, d’autre part, d’évoluer avec le milieu ou s’adapter à celui-ci. » (OMS, 1986) La santé est ainsi définie comme un état de bien-être, de qualité de vie et de réalisation de soi, ces éléments étant considérés comme des composants de la santé.

Il faut bien reconnaitre que les représentations de la santé sont très personnelles et varient en fonction de celui qui parle. Nous sommes là en présence d’un concept évolutif et pluridimensionnel composé de critères multifactoriels s’adressant à l’individu en propre et à la collectivité. « La conception de la santé, parce qu’elle concerne notre existence, a toujours interpellé l’homme dans toutes les cultures, déterminant les comportements, modelant les pratiques de son corps individuel et de son corps social. » (Honoré, 1996, p. 41) L’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM2) a organisé en 1978 une étude sur la perception de la santé de 11000 personnes en France. La santé peut être perçue par exemple comme une « conception hédoniste de la vie, la référence au corps, la notion de bien-être, l’hygiène, la santé comme une richesse de la vie, la prévention, les aptitudes physiques et la capacité à les utiliser, le fait de ne pas être malade. » (Pomey & Cattelain, 2000, p. 47)

La notion de « personne » a introduit la notion de « santé individuelle », la santé devenant une manière d’être à soi, apparaissant parfois comme le « culte de soi » (Ibid., p. 71). Par ailleurs, les questions de santé envahissent tout autant les sphères de notre société. Vouloir explorer les dimensions de la santé, c’est donc chercher à comprendre les interactions entre domaines et acteurs de santé et découvrir les enjeux d’un monde de la santé en pleine mutation.

L’importance et l’évolution du rapport à la santé sont indissociables de l’historique de la mise en place des structures de santé publique. Nietzsche parlait de la « grande santé ou la nouvelle santé » comme d’un moyen de se projeter dans l’avenir. Or, B. Honoré considère que la protection sociale et la technologie confèrent un sentiment de sécurité où le risque majeur est de voir la santé disparaître du projet de vie de l’individu. L’idée n’est pas de renoncer aux acquisitions biomédicales indispensables mais de ne pas négliger les aspects préventifs et la formation dans le processus de réparation de la santé. La santé est un capital permanent qui conditionne toutes les possibilités de réalisation de notre vie. 

Rapport à la santé et paradigme biomédical

En prenant en charge le « risque santé » en 1945, la protection sociale a structuré la société autour du droit à l’accès aux soins, nommé aussi « droit à la santé », dans un souci de solidarité (Bidou, 2008, p. 63). Il s’agit là d’un droit fondamental autant que d’un bien social. De ce fait, la santé individuelle et la santé publique sont étroitement liées dans une responsabilité réciproque. La théorie globale d’Omran (1971, 1977) formulée sur la mortalité des populations révèle le lien entre le mode de vie et le monde médical : « Le déclin initial était peu lié au progrès médical, à la diffusion de l’hygiène ou d’un système de soins. Les déterminants les plus importants ont été les changements de niveau de vie et ceux de la nature de plusieurs maladies. » (Pomey, 2000, p. 36)

Ce faisant, la protection sociale a dès lors défini la santé comme la « non maladie » et donné plein pouvoir au « tout curatif », institutionnalisant le paradigme biomédical de santé comme la référence, considérant alors que le corps est une machine que la science peut guérir (Gatto, 2005, p. 26). Ce concept, datant du XVIIIe siècle, est devenu au fil du temps une évidence aux yeux de tous. « L’idée que la médecine a une solution pour tous les problèmes de santé se répand. » (Pomey, 2000, p. 643)

Or, la médecine préventive existait déjà depuis longtemps, cherchant à réduire l’apparition des maladies et leur gravité, même si elle n’avait pas les moyens financiers et techniques dont elle dispose aujourd’hui. Dès le début de l’origine de l’art médical, les écrits (Traité d’Hippocrate, Galien) témoignaient de la préoccupation majeure des médecins de vouloir maintenir en santé les populations par la divulgation de mesures d’hygiène pour se prémunir des maladies, considérées comme une fatalité à l’époque. De nos jours, la prévention touche la collectivité dans son ensemble en anticipant les problèmes de santé de la population tout autant que ceux de l’individu, en l’éduquant en matière de santé : « La prévention est l’une des traductions du lien social : le souci de protéger la santé de l’autre est une des marques d’attention qu’on lui porte… Elle participe à l’éducation à la citoyenneté en santé, dans une société menacée par le développement de l’anomie. » (Pineault & Daveluy, 1995, p. 344)

Ainsi, en offrant une protection sociale à tous et une assurance-maladie, « l’Etat Providence » est devenu le seul détenteur des décisions de santé (Bidou, 2008, p. 13). Progressivement et naturellement, l’autorité médicale – déjà stigmatisée par Molière dans Le malade imaginaire – légitimée par la science, la technologie et les choix collectifs de santé publique, a fait passer au second plan le dialogue soignant-soigné. Dès 1926, le Docteur Balint, médecin et psychanalyste, constatait que le malade face au soignant se trouvait dans une certaine forme de « régression » et dans un « rapport de domination » face au praticien, qui considérait le patient et sa maladie comme un seul objet à soigner. Le médecin devait supporter une responsabilité unique, accrue par l’étendue psychologique de son pouvoir et pouvant être préjudiciable à la thérapeutique. Balint interrogeait ainsi une possible dépendance du malade vis-à-vis de la personne qui le soigne, rejoignant ainsi l’idée de Bidou d’une « déresponsabilisation » de l’usager de santé (2008, p. 23-33). Cette subjectivité relationnelle de « l’assuré social » le rend passif face au pouvoir médical et dépendant des règles ouvrant droit aux remboursements et aux avantages sociaux (Ibid., p. 23-33).

Assez récemment, on assiste à une évolution du statut de l’information médicale, même si on peut considérer que, d’une certaine manière, le dictionnaire Larousse Médical (1912) avait déjà pour fonction, depuis des générations, de répondre à certaines questions concernant le corps humain, ses fonctions, les maladies et leur traitement… E. Bidou évoque à propos de cette évolution un « marché de la santé » et une « culture de consommation. » (Ibid., p. 59) L. Flora souligne le changement de niveau de connaissance des usagers en santé et l’appropriation du savoir médical par le biais de sources médiatiques comme internet (Flora, 2008, p. 84). Pour autant, les médecins et les chercheurs, dans leur pratique quotidienne, constatent que certains messages de santé publique restent peu suivis malgré l’évolution de la communication et de ses capacités nouvelles, et s’interrogent sur l’origine de ce phénomène. Pomey fait l’hypothèse d’une forme de distance entre l’usager et sa santé. C’est justement ce point particulier de distance ou proximité qui nous intéresse et qui fera l’enjeu de notre recherche.

Changement de culture de la santé

Depuis quelques années, la demande des assurés sociaux a changé. Malgré les efforts de la médecine du travail et de la prise en charge des facteurs de risque (maladies cardio-vasculaires, etc.) le système médical actuel demeure centré principalement sur le « traitement de la maladie ». N’impliquant pas suffisamment l’usager en demande de dialogue, de responsabilisation et d’un partage de connaissances, ce système de santé ne répond plus aux attentes de la population. Les Etats Généraux de la santé de 1998 ont montré la détermination des individus dans leur désir de devenir acteurs de leur propre santé et de pouvoir participer activement au processus de soin, en partenariat avec l’équipe médicale.

De surcroît, l’évolution des mentalités a mis l’accent sur l’homme dans son environnement, ce qui a nouvellement conduit la société à s’intéresser aux modes de vie de la population, à ses habitudes et à ses comportements de santé. Sur le plan des aspirations médicales (cure), l’individu désire à présent se préoccuper davantage de lui, prendre soin de lui (care) dans une recherche d’harmonie physico-psychique. C. Gilligan, a particulièrement développé la notion de care dans les sciences sociales (1982). Elle retrace la progression de l’attitude de l’individu qui se rapporte d’abord à ses intérêts propres puis agit selon des principes universels admissibles pour tous. Il souhaite se responsabiliser et se réaliser dans son existence tout comme au sein de la société, donnant à sa santé un sens plus large : « La vie humaine peut avoir un sens biologique, un sens social, un sens existentiel. » (Canguilhem, 1971, p. 145) « La santé, apparaît alors comme une qualité fondamentale de l’être humain qui s’exprime dans chacune des dimensions (biologique, sociale, psychique, et de l’être) définissant tout être humain. » (Laëmmlin-Cencig, 2007, p. 130)

Le paradigme de santé globale 

La dimension existentielle de la santé, introduite dans la définition de l’OMS, marque un tournant crucial dans la vision des priorités en matière de santé. Enrichissant le modèle biomédical, ce nouveau paradigme de santé se fixe comme objectif de passer de la réparation de la maladie à la protection de la santé. C’est un modèle de santé qui s’intéresse aux facteurs de risques par la mise en place d’un programme de prévention, d’éducation du patient et d’éducation thérapeutique3. Maintenant considéré dans un contexte global et dans un équilibre dynamique et évolutif, l’individu est invité à prendre une part active dans son processus de santé. Cette nouvelle conception de la santé fait ainsi apparaitre l’idée que l’homme dans son environnement et à travers ses modes de vie, peut être à l’origine de l’équilibre ou du déséquilibre de sa santé.

Un système de santé dépassé par les nouveaux enjeux

Aujourd’hui, les questions de santé envahissent notre société jusque dans les sphères politiques car les « enjeux » sont plus que jamais perceptibles (vieillissement de la population, chômage, maladies chroniques, pollution, crise économique, « trou de la sécu », épidémies, obésité, etc.). Ces sujets de société, « synonymes d’incertitude et de risque », deviennent de véritables défis politiques pour le présent comme pour le futur de notre société en perpétuelle évolution (Bidou, 2008, p. 32-101). Tout cela coûte très cher à la collectivité. La production de soins s’insère donc inévitablement dans une économie de moyens où les médecins deviennent, d’une certaine manière, comptables à l’égard de la société qui engage ces dépenses de santé et attend de leur part une efficience des soins et une réduction des coûts de santé publique. D’autant que l’évolution des connaissances scientifiques et techniques ainsi que de l’environnement économique, culturel et financier, modifie en permanence cette réalité sociale de la maladie. Face à l’évolution des mentalités en matière de santé, l’Assurance maladie a pris en considération l’aspect préventif de la santé, transformant de la sorte la notion de risques à couvrir. Éviter la survenue d’une maladie avant d’avoir à la prendre en charge devient une nouvelle réalité. Tous les professionnels de santé voient leurs valeurs bousculées et doivent s’adapter à cette évolution de la conception de la santé.

L’éducation à la santé

La politique actuelle de santé se réoriente vers une politique de promotion de la santé, c’est-à-dire vers des projets de santé concernant le bien-être de l’individu et son maintien en bonne santé en rapport avec son environnement, qui obtiennent de meilleurs résultats en gain de santé. Aider les individus à mieux prendre en charge leur santé par une meilleure relation à leur corps, ainsi qu’une meilleure connaissance et compréhension de la maladie, des soins, des modes de vie et des attentes de chacun relève de « l’éducation pour la santé », inférant que « le premier agent de santé est l’individu lui-même » (Molina, 1988, cité par D’Ivernois & Gagnayre, 2004, p. 11). En plus de transmettre une information utile, « l’éducation à la santé » a pour but d’infléchir les comportements préjudiciables à la santé tout en préservant et garantissant le respect des individus. Ainsi, pour Gatto « L’éducation à la santé apparaît donc comme une dimension des sciences de la communication et de l’éducation. » (2005, p. 44)

Cet objectif devrait, selon nous, figurer aujourd’hui au cœur des préoccupations du kinésithérapeute qui se doit de se former à cette dimension éducative des soins et de l’intégrer comme un complément indispensable à la prise en charge du patient, afin d’optimiser la qualité des soins. On peut d’ailleurs considérer certains actes de rééducation kinésithérapique (par exemple de la personne lombalgique) comme une éducation de la gestuelle de la vie quotidienne. Pour autant, comment mettre en place ce programme éducatif, de façon plus systématique, avec nos patients ? De quels outils pédagogiques disposons-nous puisque, comme le suggère Gatto, « La maitrise et l’utilisation des théories, des modèles et des outils des sciences de l’éducation semblent nécessaires » (2005, p. 41) ?

De ce point de vue, la fasciathérapie peut-elle être considérée comme une pratique d’éducation à la santé à part entière, dans le sens où, au-delà de sa vocation curative, elle a pour objectif de responsabiliser les individus en leur apprenant à prendre une part active dans leur processus de santé par le déploiement d’une « activité d’auto-observation » (Bois, 2009, p. 61) à médiation corporelle ?

Fasciathérapie méthode Danis Bois (MDB) et psychopédagogie perceptive

Créée par le professeur D. Bois4 en 1981, la fasciathérapie est une thérapie manuelle à visée curative et préventive qui prend en compte la personne dans sa globalité, c’est-à-dire dans l’ensemble de ses dimensions somatiques et psychiques. Les modalités de la pratique, au moyen de conditions spécifiques5, visent à libérer les blocages et les tensions corporelles tout en permettant à la personne de mieux se percevoir. Or, l’acte de se percevoir se compose d’une part de la sensation corporelle vécue par le patient et d’autre part de ce que cette perception lui révèle de lui-même. Cette prise de conscience se donne sous la forme d’une connaissance subjective, immédiate et non réflexive, en relation avec soi. « La perception subjective de la matière nous offre un changement permanent du milieu intérieur avec lequel nous entrons en résonnance, dans une attitude préréflexive » (Bois, 2001, p. 36). C’est à partir de ce rapport singulier à l’expérience perceptive que D. Bois a modélisé la notion de corps sensible. « Le corps sensible devient alors en lui-même un lieu d’articulation entre perception et pensée, au sens où l’expérience sensible dévoile une signification qui peut être saisie en temps réel et intégrée ensuite aux schèmes d’accueil cognitifs existants, dans une éventuelle transformation de leurs contours. » (Berger, 2005, p. 60) Se rencontrer dans cette expérience d’un corps sensible, c’est éprouver l’existence de la vie se déployant dans son corps au travers des effets de l’expérience, c’est enrichir un rapport de soi à soi, point de départ d’un changement de représentation. « L’idée fondamentale est donc que les facultés cognitives sont inextricablement liées à l’historique de ce qui est vécu, de la même façon qu’un sentier au préalable inexistant apparaît en marchant. » (Varela, 1989, p. 112)

C’est en ce sens que la fasciathérapie pourrait amener le patient à changer certaines de ses représentations, notamment celle de sa santé, ce qui nous intéresse ici. Nous avons vu que cette méthode, au-delà de sa dimension curative, présente une dimension pédagogique ou d’éducation, et s’inscrit dans le champ de la Psychopédagogie perceptive6, discipline universitaire reconnue par le ministère de la santé au Portugal, et enseignée en France en partenariat avec l’UFP de Porto. Les fasciathérapeutes font appel à la méthode élaborée par D. Bois7 pour effectuer les libérations tissulaires, c’est-à-dire en s’appuyant sur l’animation présente physiologiquement au sein de la matière corporelle, et présentant des caractéristiques spécifiques telles que la lenteur, l’orientation, l’amplitude et la cadence. La sollicitation de ce « mouvement interne ou mouvement sensoriel » (Berger, 1999, p. 85) animant tous les tissus du corps dont les fascias, correspond, pour le fasciathérapeute, à la mobilisation d’un mécanisme d’autorégulation organique. Dès lors, les sensations perçues par le patient peuvent lui délivrer des tonalités corporelles inattendues, différentes de son ressenti habituel. Lors de ses recherches, D. Bois a fait le lien entre les sensations perçues physiquement et la transformation des représentations psychiques décrites par les personnes accompagnées en fasciathérapie (Bois, 2007). Pour lui, « Quel que soit l’exemple présenté, on constate que le rendez-vous avec le corps est bouleversant, interpellant, non seulement en tant qu’éprouvé intense, et sensations corporelles inédites, mais également en tant qu’influence sur les schèmes cognitifs anciens. » (Ibid., 2007, p. 313) Ce qui signifie que le rapport à soi, déclenché par l’éprouvé corporel sensible, engage la personne dans une réflexion et un processus d’auto-formation à l’origine d’une transformation personnelle.

Apprendre de soi en se reconnectant à son corps représente une expérience perceptivo-cognitive inédite qui peut toucher les individus qui en font l’expérience. En fait, l’apprentissage de soi à partir de soi, par l’écoute de son corps et de ses modifications toniques, conduit l’apprenant à un enrichissement de ses schémas cognitifs existants. Le corps, appréhendé ainsi comme un outil de perception et de découverte de soi, peut offrir un véritable référentiel interne guidant le patient vers une meilleure compréhension de sa santé. Et l’on peut se demander si un lien direct de réciprocité peut être envisagé entre la santé et l’aperçu de son corps, au sens d’une proximité perceptive avec soi. A l’inverse, on pourrait imaginer qu’un manque d’attention à son corps par la négligence ou l’éloignement de soi puisse engendrer un défaut d’ajustement entre les comportements de vie et la conscience de leurs conséquences néfastes pour la santé.

Enquête exploratoire auprès de patients suivis en fasciathérapie sur le changement de rapport à la santé

Terrain de recherche

C’est sur le lieu même de mon exercice professionnel habituel, en cabinet de kinésithérapie, que j’ai mené mon étude. Parmi mes patients suivis en soin de fasciathérapie, j’ai délibérément choisi ceux qui avaient vécu une transformation de leur point de vue sur la santé dont ils m’avaient témoigné spontanément. Je les ai également retenus pour la qualité et la richesse de la description de leur expérience. Par ailleurs, ces personnes venaient consulter pour des douleurs chroniques ou des traumatismes aigus. Leur demande initiale de soin était donc exclusivement somatique et curative, ce qui rendait l’évolution de leurs représentations concernant la santé d’autant plus significative pour ma recherche.

Ainsi, Françoise, mère au foyer de 55 ans, était suivie depuis moins d’une année à mon cabinet, de façon intermittente, pour une polyarthrite rhumatoïde. Elle souffrait beaucoup et prenait de fortes doses de médicaments. Elle attendait essentiellement de moi et de mon travail de thérapie manuelle que je la soulage de ses douleurs et de ses incapacités physiques. Par ailleurs, elle semblait souffrir d’un état dépressif chronique important, parfois même émaillé d’idées suicidaires.

Claudine, jeune retraitée de 63 ans, avait fait une chute sur le verglas et souffrait de douleurs à l’épaule et au coude droit. Elle réclamait un soulagement physique et rien d’autre. Au moment où j’ai débuté ma recherche, nous avions fait une dizaine de séances de fasciathérapie environ ensemble. Entre temps, elle m’avait appris qu’elle était suivie médicalement pour une leucémie lymphocytaire chronique8, qui ne la faisait pas vraiment souffrir, me disait-elle.

Maïté, infirmière à la retraite de 61 ans, consultait à mon cabinet depuis environ deux ans pour une gonarthrose9 bilatérale avancée. Elle se trouvait à cette époque en grande difficulté personnelle, familiale et existentielle. En grande surcharge pondérale, elle s’était abandonnée à elle-même dans une forme d’autodestruction programmée. Très handicapée, elle souffrait beaucoup et en permanence. Sa demande thérapeutique était claire, je devais l’aider à ne plus souffrir physiquement et si possible contribuer à ce qu’elle retrouve une autonomie perdue, synonyme de liberté de vie pour elle.

Posture de recherche

Pour mener à bien ma démarche de recherche, j’ai dû évoluer d’une posture de praticien de terrain ou de praticien réflexif à celle de praticien-chercheur, dans laquelle je me suis trouvé en tant que professionnel de santé, au plus près de l’expérience étudiée. Pour prendre en compte la spécificité de la fasciathérapie et de ses impacts, je me suis situé comme praticien-chercheur du Sensible (Berger, 2009), non seulement parce que mon objet de recherche concernait une pratique du Sensible, mais également du fait de la spécificité de ma posture.

Le constat d’un changement de rapport à la santé chez mes patients constituant le point de départ de mon questionnement de recherche, il ne s’agissait donc pas pour moi de mener une étude quantitative, mais bien de m’installer dans une démarche compréhensive, dite qualitative. Mon but était de recevoir le témoignage de mes patients suivis en fasciathérapie pour accéder à leur vécu d’expérience afin de me permettre de mieux appréhender la manière dont ils vivent leur santé au contact de la pratique de la fasciathérapie.

Sur le plan méthodologique, la première étape de recherche a consisté à recueillir des données auprès des participants à la recherche traités en fasciathérapie, en rapport avec le constat d’un changement de rapport à la santé. Les entretiens se sont déroulés juste après une séance de fasciathérapie. Mon approche phénoménologique des témoignages s’est doublée d’une démarche heuristique explorant la subjectivité de l’expérience vécue des participants à cette étude.

La deuxième étape fut l’analyse interprétative de ces données pour déployer plus largement le sens de ce qui avait été restitué par les participants lors de leur expérience vécue pendant les soins de fasciathérapie. L’analyse herméneutique transversale est venue compléter la démarche phénoménologique et heuristique pour mettre à jour une signification nouvelle du phénomène étudié.

La troisième étape a rendu compte des résultats de recherche.

Quelques résultats de recherche

L’analyse des données recueillies s’est attachée à observer comment des changements réels et concrets concernant le rapport à la santé pouvaient être relevés à travers le témoignage des participants. Les trois participants consultés ont mis en évidence une temporalité exprimant un avant et un après une série de soins de fasciathérapie, dévoilant un renouvellement de leur rapport à la santé, chacun selon son propre processus.

Ainsi, Françoise rapporte : « Avant, il n’y avait pas du tout d’attention à moi-même. » (L 406) « Je me suis maltraitée, je n’ai pas pris soin de moi. » (L 205-206) Durant les séances de fasciathérapie, Françoise a découvert et appris à se mettre à l’écoute de son corps. Cela a été une réelle nouveauté pour elle : « Et en fait, il (le retour positif qu’elle attendait du traitement) a commencé à arriver uniquement après plusieurs séances chez vous où vous m’avez appris, si je puis dire comme cela à me mettre à l’écoute de mon corps, quelque chose que vraiment, jamais, je n’avais pensé à faire une chose pareille ! » (L 36 à 38) « … et donc, mon esprit s’est mis en rapport quelque part avec les douleurs que j’ai de ma santé, et ça arrivait à consolider quelque chose, un équilibre que je n’avais pas, je reconnais, une certaine harmonie, et c’est pour cela que c’est un nouveau rapport à la santé que j’ai maintenant et je ne pensais pas que ça pouvait exister. » (L 64 à 69) Françoise traduit ainsi par ses propos son changement d’attitude vis-à-vis de son corps, qu’elle parvient aujourd’hui à percevoir. La découverte de sa capacité à se mettre à l’écoute de son corps, attitude qu’elle n’avait pas auparavant, lui apporte une harmonie et un équilibre qui viennent modifier de façon claire sa relation à sa santé. Elle semble faire le lien entre la perception nouvelle de son corps et son rapport à la santé. Plus loin, elle explique que cet équilibre physique et mental retrouvé contribue activement au processus de santé : « Le mot principal, c’est l’harmonie dans mon corps et mon esprit. Sans cette harmonie-là, on peut toujours prendre des médicaments, s’il n’y a pas de participation de l’esprit, de la santé, de la concentration à vouloir participer à cette santé et à guérir ou à aller de mieux en mieux. » (L 352 à 355) Elle s’approprie l’évolution de son rapport à la santé : « Alors qu’aujourd’hui, le rapport que j’ai avec la santé, c’est qu’en fait, je suis participante à ma guérison. » (L. 57- 58)

Claudine, elle, n’avait pas conscience de souffrir dans son corps : « …dans mon corps qui apparemment souffre alors que je n’en avais pas vraiment conscience » (L161-162). Pour autant, elle percevait la santé avec sérieux et intérêt, comme un potentiel de vie, même avant les soins : « Si on n’a pas la santé, on n’a rien. » (L71) Or, après les soins de fasciathérapie, elle réalise qu’elle ne percevait pas, au sein de son corps, les sensations qui sont aujourd’hui disponibles pour elle. « Mon corps, lui, ressent, s’ouvre, il en jouit, il en profite alors que moi je n’ai pas cette sensation qu’il en avait besoin. Il en retire un grand profit puisqu’il réagit aux séances. J’ai trouvé un équilibre depuis que je viens vous voir, je me sens beaucoup plus posée, je me sens moins stressée, je me sens moins agressive, ça me calme. » (L 173-178) Elle attribue ces progrès aux soins de fasciathérapie : « Moi, dès la première séance, j’ai ressenti du bien-être, ça me faisait du bien. Je ne sais pas si tout le monde le ressent dès la première séance. Chaque séance supplémentaire m’a apporté à chaque fois quelque chose. » (L 227 à 229) ; « Depuis les soins, je gagne en calme, en détente. Je suis beaucoup moins stressée. Je sens qu’avec les séances de fasciathérapie, c’est comme si mon corps s’ouvrait. » (L 134-135) ; « Ce que j’en retire le plus, c’est le calme, un bien-être global. » (L 157) Selon Claudine, la fasciathérapie lui permet d’anticiper les problèmes de santé et d’en amoindrir les conséquences fâcheuses : « La fasciathérapie est pour moi quelque chose qui aide à régler les problèmes et si c’est fait avant que le problème n’apparaisse, ça évitera que le problème apparaisse, ça évitera que le problème ne prenne d’autres proportions. » (L 31 à 33) Elle attribue à ce phénomène un rôle positif : « Pour moi, c’est positif. » (L 34) Bien que chaque séance ait amélioré sa situation de santé, elle a dû revenir régulièrement en soin : « Non, non, à chaque séance, je suis repartie avec quelque chose de nouveau qui m’avait améliorée. Je n’ai pas eu une seule séance où je me suis dit, ça ne m’a fait aucun effet. » (L 260-161) C’est en ce sens qu’elle a compris la nécessité de poursuivre les soins, ne serait-ce que pour laisser le temps à son corps de s’adapter aux soins reçus : « Il faut venir régulièrement, on ne peut pas régler en une séance les problèmes de santé. Il faut laisser le temps au corps de s’adapter après les séances, pour prendre ce que vous lui avez fait faire, peut-être un déblocage, en respiration. Je pense qu’il faut entretenir après. » (L 246 à 251) Finalement, on peut dire que Claudine met en parallèle son expérience perceptive et son mieux-être psychologique et découvre dans l’équilibre et le bien-être retrouvés une démarche de santé positive préventive et nécessaire.

Avant les soins, Maïté était plongée dans une souffrance morale autant que physique : « Cet état lymphatique cachait une très grave dépression, qui était dissimulée par une prise de médicaments très forte. » (L 129-130) Elle témoigne de sa difficulté d’exister : « Avant je survivais. » (L 89) La perception de son intériorité, déclenchée par les soins de fasciathérapie, donnent à Maïté le sentiment d’une renaissance puis d’un mieux-être : « En détectant mon organisme, je me sens plus apte à la vie. C’est une renaissance ! » (L 390-391) ; « ça m’a permis d’être mieux. » (L 290) A nouveau, la notion de perception de soi et de son corps apparaît dans les propos recueillis et révèle l’importance de ces paramètres dans la dimension de la conception de la santé. De plus, elle attribue ces résultats positifs à la fasciathérapie : « Je pense que la fasciathérapie m’a aidée. » (L 413) ; « Si je n’avais pas eu la fasciathérapie, je pense que je n’aurais pas pu. » (L 417) La prise de conscience de son corps et d’elle-même est récente. « J’ai commencé à m’occuper de moi il y a à peu près six mois. Il y a six mois que j’ai pris conscience de mon corps, conscience de moi-même... » (L 66-67) Elle exprime son envie de s’occuper d’elle depuis lors. Elle a compris également l’importance d’une bonne hygiène de vie et la nécessité de rectifier ses comportements en matière de santé. Cela montre le lien qu’elle fait entre le rapport à son corps, à elle-même, à sa vie et à sa santé. « Maintenant, j’ai compris qu’avoir une bonne hygiène alimentaire, une bonne hygiène de vie permettaient de rectifier certaines erreurs et évitaient la prise de médicaments. » (L 78-79) « Si actuellement je continue cette façon (par la fasciathérapie) de me soigner, c’est parce que j’ai trouvé au bout de deux ans la réelle solution à ma guérison. » (L 31-32) A la question : « Ces découvertes ont-elles généré chez vous une prise de conscience sur votre approche de la santé ? », Maïté répond par l’affirmative : « Oui ! Sur mon approche de la santé, c’est indéniable. » (L 137)

Conclusion

Les participants à cette recherche témoignent tous d’une écoute différente et nouvelle de leur corps attestant d’une plus grande proximité avec celui-ci. Ils ont pu développer une perception composée de sensations aux tonalités inédites, qui ne fait pas seulement référence à la souffrance physique, mais également à un ressenti conscient de leur intériorité, convoquant leur sentiment d’existence : « ces tonalités elles-mêmes véhiculent un sentiment de soi et correspondent à différentes manières de vivre des sentiments de soi » (Duprat, 2007, p. 69). Depuis les soins de fasciathérapie, ces personnes témoignent également d’un intérêt récent et inhabituel pour leur corps, d’une volonté nouvelle et affirmée de prendre soin d’elles-mêmes, de leur santé et par conséquent « de rectifier des erreurs de comportement en matière de santé » disent-elles.

Cette étude exploratoire, effectuée sur trois participants, met en relief un mode d’apprentissage perceptivo-cognitif, à partir d’une expérience corporelle, vécue dans un cadre spécifique et sur le mode de la relation au corps sensible tel que le décrit D. Bois. Celui-ci expose une nouvelle forme de connaissance par contraste et en différé ainsi qu’un processus de transformation existentielle, où la sollicitation corporelle interne convoque une négociation entre la nouveauté perçue dans le corps et les schémas cognitifs existants: « Force est de constater que l’instauration d’un nouveau rapport à son corps, à son vécu et à sa pensée entraîne dans son sillage une transformation existentielle de la personne qui vit, en conscience, le sensible. » (Bois, 2007, p. 350) En faisant apparaître la possibilité d’éduquer le rapport à la santé par une voie originale, la fasciathérapie confirme sa dimension éducative et formatrice. De la sorte, cette pratique s’inscrit pleinement selon nous dans la politique actuelle de promotion de la santé puisque son volet curatif se double d’un apprentissage perceptif et d’un réajustement du rapport au corps, touchant de fait le rapport à la santé.

Nous observons également que les personnes accompagnées en fasciathérapie évoluent alors d’un statut de patients à celui d’acteurs de leur propre santé, plus responsables de leurs comportements individuels reconnus comme des déterminants de la santé. Car, la prise de conscience, d’une part, d’une possibilité d’agir pour et sur sa santé et, d’autre part, de la nécessité de participer activement au processus de santé et de guérison traduit bien là une démarche de santé nouvelle. Le processus de responsabilisation se double d’un mouvement d’autonomisation dans la mesure où ces personnes se sentent capables de prendre des décisions et de les prolonger en actions de santé bénéfiques pour elles.

Ainsi, l’ouverture à la santé par la fasciathérapie – discipline du champ de la psychopédagogie perceptive - constitue une expérience de formation à médiation corporelle puisqu’elle développe la faculté d’apprendre de sa vie par et à travers la perception de son corps devenu sensible. Finalement, le patient enrichit ses repères identitaires existants par la réappropriation de son corps et le renouveau de son éprouvé corporel. Il y a là une dimension existentielle en rapport avec la santé car se percevoir, c’est se sentir exister, ce qui implique un enjeu humain, social, économique, politique et éthique pour l’individu et la société. La découverte et la validation de cette nouvelle identité de soi conduit la personne à reconsidérer ses modes de vie, le rapport à son corps, à soi, à sa santé et au monde. C’est en ce sens que, de notre point de vue, la fasciathérapie et la psychopédagogie perceptive s’inscrivent pleinement dans la dynamique de l’éducation à la santé en agissant sur les comportements des individus, par une voie perceptivo-cognitive novatrice.

 

Notes

1 O.M.S. : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est une institution spécialisée de l’Organisation des Nations unies (ONU) pour la santé publique.

2 INSERM : organisme national de la santé et de la recherche biomédicale dédié à la santé humaine.

3 Éducation thérapeutique : pédagogie de la santé dont l’objectif est d’éduquer le patient atteint d’une maladie chronique à prendre en charge sa maladie pour mieux se soigner.

4 Danis Bois : Dr. en sciences de l’éducation ; Professeur catédratique de l’Université Fernando Pessoa de Porto ; directeur du Centre d’Étude et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie Perceptive (CERAP/UFP).

5 Voir à ce propos les ouvrages pratiques consacrés à décrire les protocoles de la fasciathérapie ainsi que ses fondements théoriques (Berger, 1999 ; Bois, 1990 ; Bourhis, 2006).

6 Psychopédagogie perceptive : Ce terme désigne la discipline universitaire née des pratiques et théories du Sensible, reconnue au Portugal à travers les programmes (DU, master et doctorat) dispensés par l’Université Fernando Pessoa (www.ufp.pt).

7 Nous précisons ici « Fasciathérapie MDB » (Méthode Danis Bois), car il existe d’autres approches des fascias n’utilisant pas les mêmes protocoles et conditions d’expérience et n’ayant donc pas les mêmes effets sur le plan curatif ou perceptivo-cognitif.

8 La leucémie lymphoïde chronique, ou LLC, est une maladie cancéreuse du sang (leucémie) caractérisée par la prolifération de lymphocytes, ce qui la place dans la catégorie des hémopathies lymphoïdes

chroniques. Il s’agit de la leucémie la plus fréquente, touchant de façon préférentielle les personnes âgées de plus de 50 ans.

9 La gonarthrose est l’arthrose du genou. La gonarthrose est de loin l’étiologie la plus fréquente d’une douleur du genou après 50 ans.

Thierry Duval
Emmanuelle Duprat
Eve Berger

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