Au carrefour de la kinésithérapie et de la fasciathérapie - Approche exploratoire des reconfigurations identitaires des kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie

Saalebrucke (c) Harald Henkel
Auteur(s) :

Christian Courraud - Docteur en sciences sociales de l'UFP, Directeur du CERAP.

Dr en Sciences Sociales - spécialité psychologie - de l'Université Fernando Pessoa (UFP) Directeur du CERAP/UFP Professeur auxiliaire invité de l'UFP,

Cet article s’inscrit dans le cadre de ma recherche doctorale qui porte sur l’étude des reconfigurations identitaires des kinésithérapeutes se formant à la fasciathérapie. La fasciathérapie méthode Danis Bois[1], dont il est ici question, fait partie intégrante du champ de la formation continue en kinésithérapie. D’abord considérée comme un prolongement de l’ostéopathie, cette thérapie manuelle s’est progressivement structurée, développée et modélisée (Bois, 1984, 1985, 2006, 2007, 2008 ; Bois & Berger, 1990 ; Bois, Josso & Humpich, 2009), tant sur le plan théorique que pratique pour devenir une discipline autonome au sein de la kinésithérapie (Courraud & Quéré, 2010). Cette discipline possède également sa propre structure de formation qui délivre des diplômes de fasciathérapie. Point d’appui[2] (Département fasciathérapie) propose un enseignement spécifique de fasciathérapie de niveau universitaire (Diplôme Universitaire de Fasciathérapie). Les kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie se sont eux-mêmes donnés une identité sociale et professionnelle à travers la création d’une association professionnelle (Association Nationale des Kinésithérapeutes-Fasciathérapeutes). Tous ces éléments rendent compte d’une véritable dynamique de professionnalisation tant individuelle que collective. Il reste cependant qu’on ne connaît pas bien à ce jour les changements identitaires qui s’opèrent chez les kinésithérapeutes qui se forment à la fasciathérapie et l’identité professionnelle qui en émerge.

L’articulation entre la pratique de la fasciathérapie et celle de la kinésithérapie constitue le centre de ma préoccupation professionnelle depuis de nombreuses années. J’ai moi-même été formé à la fasciathérapie en tant que kinésithérapeute et j’ai pu percevoir combien cette approche pouvait modifier ma pratique et ma conception de la kinésithérapie. Je me suis rendu compte que le contact avec la fasciathérapie transformait mon identité de kinésithérapeute et donnait une nouvelle forme à mon identité personnelle, professionnelle et sociale. Je suis aujourd’hui formateur de kinésithérapeutes à la fasciathérapie et suis fortement impliqué dans la démarche de reconnaissance de la fasciathérapie dans le champ de la formation continue en kinésithérapie. Cette recherche devrait pouvoir m’aider à mieux comprendre les différents impacts sur l’identité personnelle, professionnelle et sociale des kinésithérapeutes exerçant la fasciathérapie. J’espère qu’ainsi elle pourra m’amener à clarifier l’articulation entre fasciathérapie et kinésithérapie et qu’émergera le visage de l’identité professionnelle de la fasciathérapie.

Cet article présentera d’abord la question et les objectifs de recherche ainsi que la portée socio-professionnelle de ce projet. Je développerai ensuite les spécificités de cette recherche dans le champ des professions et apporterai un éclairage sur la question de l’identité professionnelle dans le domaine de la kinésithérapie. Dans une seconde partie, je présenterai les résultats d’une première enquête exploratoire menée à partir de l’analyse de 10 récits de formation de kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie qui permettent de rendre compte des conversions, impacts et reconfigurations identitaires rapportés par ces professionnels. Les premiers résultats obtenus grâce à cette pré-enquête devraient m’aider à mieux identifier les processus de changement identitaire tels qu’ils sont vécus par les acteurs et me permettre d’élaborer le questionnaire qui me servira de recueil de données auprès de la population des kinésithérapeutes-fasciathérapeutes.

Cadrage du projet de recherche

Question de recherche

Cette recherche porte sur les reconfigurations de l’identité professionnelle du kinésithérapeute au contact de la fasciathérapie. Cette problématique me conduit d’abord à m’interroger sur l’identité professionnelle qui naît de la rencontre entre kinésithérapie et fasciathérapie : comment ces deux identités s’articulent-elles ? Sont-elles conciliables, complémentaires ou non ? Donnent-elles naissance à une nouvelle identité professionnelle ?

Dans un deuxième temps, il s’agit de mieux comprendre les apports réciproques s’opérant entre la fasciathérapie et la kinésithérapie : comment la fasciathérapie s’intègre dans la kinésithérapie et comment la kinésithérapie s’enrichit de la fasciathérapie ? Comment le kinésithérapeute se professionnalise au contact de la fasciathérapie et comment il insère la fasciathérapie dans sa kinésithérapie ?

Enfin, je m’interroge également sur le statut de la fasciathérapie en tant que pratique professionnelle : Assiste-t-on à l’émergence d’une nouvelle profession ou bien à l’élaboration d’une nouvelle compétence en kinésithérapie ? L’ensemble de ces questionnements est formulé dans la question de recherche suivante : « En quoi et comment les kinésithérapeutes reconfigurent-ils leur identité professionnelle au contact de la fasciathérapie ? » À travers ce questionnement, je cible ma recherche autour des changements identitaires seuls susceptibles de faire apparaître par contraste la nature de l’identité professionnelle du kinésithérapeute-fasciathérapeute. 

Objectifs opérationnels

Pour répondre à ma question de recherche, je vais mener une enquête auprès des kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie. Cette enquête s’intéressera à l’expérience vécue des sujets afin d’accéder aux changements identitaires que ces professionnels ont perçus, opérés dans leur rencontre avec la fasciathérapie. Elle me permettra ainsi de répondre à mes objectifs de recherche qui sont formulés ainsi :

  • Comprendre les aspects de l’identité professionnelle du kinésithérapeute qui sont affectés par la fasciathérapie ;
  • Identifier les secteurs de l’activité professionnelle dans lesquels les kinésithérapeutes ont opéré des reconfigurations pour mettre en application la fasciathérapie ;
  • Cerner les changements opérés par les kinésithérapeutes concernant le rapport à leur métier, la valeur et le sens qu’ils lui attribuent.

Ces objectifs devraient favoriser non seulement la compréhension des reconfigurations professionnelles liées à la fasciathérapie mais permettre aussi de mieux prendre la mesure des enjeux identitaires qui caractérisent la formation de fasciathérapie et sa mise en pratique dans l’exercice de la kinésithérapie.

Portée socio-professionnelle de la recherche

Cette recherche constitue une étude inédite sur la fasciathérapie car elle porte sur le groupe professionnel des fasciathérapeutes. Jusqu’à ce jour des études ont été menées sur la fasciathérapie et ses applications curatives et éducatives, mais aucune étude n’a été menée sur le groupe des professionnels de la fasciathérapie. Il s’agit donc ici d’identifier et de donner les contours de l’identité professionnelle de ce groupe afin de lui donner une existence et un statut social.

En m’interrogeant sur les reconfigurations de l’identité professionnelle du kinésithérapeute qui pratique la fasciathérapie, je m’intéresse plus particulièrement à la dimension formative de la fasciathérapie et à son implication dans la dynamique de professionnalisation du kinésithérapeute en formation. Cette notion de professionnalisation est centrale dans ce projet. Un mouvement de professionnalisation est un processus permanent de construction et de reconstruction identitaire individuel qui conduit un professionnel à redéfinir son identité professionnelle, personnelle, sociale et existentielle. Les kinésithérapeutes qui se forment à la fasciathérapie sont dans une quête d’identité professionnelle et il me semble important de rendre compte des multiples mutations identitaires qui se jouent dans ce mouvement de professionnalisation.

Cette recherche ciblée sur les reconfigurations de l’identité professionnelle du kinésithérapeute-fasciathérapeute, participera ainsi à améliorer la lisibilité de la fasciathérapie dans le champ de la formation continue en kinésithérapie et dans celui de la profession de kinésithérapeute. En questionnant les changements identitaires professionnels, je devrais pouvoir mieux cerner la nature des apports ainsi que les secteurs dans lesquels la fasciathérapie constitue une forme de complément et de ressource au processus de formation et de transformation professionnelle du kinésithérapeute. En comprenant mieux les impacts de la fasciathérapie sur l’identité professionnelle du kinésithérapeute, je pourrai développer et modéliser les apports spécifiques de la fasciathérapie sur les différentes dimensions de la formation continue du kinésithérapeute (compétences pratiques, développement personnel, actualisation de potentialités, conversions intellectuelles). De ce point de vue, je devrais pouvoir définir la fasciathérapie en tant que spécificité du kinésithérapeute.

Contextualisation et problématisation : la question de l’identité professionnelle et le carrefour identitaire kinésithérapie-fasciathérapie

Quelques éléments théoriques sur la question de l’identité professionnelle

L’identité professionnelle telle que l’aborde la sociologie du travail et des professions met clairement en évidence trois paradoxes : celui de son unité et de sa multiplicité, celui de l’individuel et du collectif, et enfin celui de sa stabilité et de son évolutivité.

La notion d’identité professionnelle est d’abord complexe en raison de son interaction avec les notions d’identité personnelle et sociale. Comme le rappelle Legault, « Parler de l’identité, c’est parler de ce qui unit, de ce qui fait "un" dans le "multiple" » (2003, p. 1). Effectuer une recherche sur la question de l’identité professionnelle suppose donc d’interroger son interaction avec les autres facettes de l’identité. L’identité professionnelle donne un statut, une place et une position sociale mais aussi une valeur et un sens profond à l’existence. Certains auteurs n’hésitent pas à en faire un élément primordial de la construction de l’identité personnelle : « Les professions contribuent, souvent plus que la religion, l’engagement politique ou l’appartenance familiale, à la définition des identités individuelles » (Champy, 2009, p. 1-2). C’est aussi à travers un métier que l’individu se définit et trouve sa place dans le monde social : « La revendication d’une identité de métier révèle un mode de socialisation où l’activité de travail occupe une place prépondérante dans le mode de définition de soi » (Osty, 2008, p. 95). Ainsi, comme le font remarquer les sociologues, comment comprendre l’identité professionnelle sans interroger les dimensions personnelle et sociale de l’identité ?

La notion d’identité professionnelle soulève aussi la question de l’individuel et du collectif et soulève la question des rapports entre identité collective ou de groupe et individualité. La littérature sociologique propose trois postures de compréhension et d’objectivation de cette question. La première repose sur le modèle fonctionnaliste (Carr-Saunders, Wilson, Parsons) qui définit l’identité sur la base de consensus et de règles faites et adoptés par un groupe. La seconde proposée par le modèle interactionniste (Park, Simmel, Thomas, Hughes, Becker, Strauss) postule que l’identité professionnelle se construit dans la mise en rapport de l’identité pour soi et de l’identité pour autrui. Enfin la troisième théorie, développée par Dubar, envisage l’identité professionnelle comme une forme identitaire construite par le sujet et élaborée dans ses rapports avec le groupe, le contexte social actuel et sa trajectoire biographique : « Les formes visées ne sont pas seulement relationnelles (identités d’acteurs dans un système d’action), elles sont aussi biographiques (types de trajectoire au cours de la vie de travail). Les identités professionnelles sont des manières socialement reconnues, pour les individus, de s’identifier les uns les autres, dans le champ du travail et de l’emploi » (Dubar, 2001, p. 95).

Enfin, et pour clore cette section, retenons qu’une identité professionnelle n’est pas définitive et identifiée à un métier ou un titre. Une identité se construit et se reconstruit en permanence tout au long de la vie. Ainsi, pour Dubar, « l’identité n’est pas ce qui reste nécessairement "identique" mais le résultat d’une "identification" contingente » (2000, p. 3). L’identité professionnelle évolue et se transforme au fur et à mesure des changements intérieurs et des remaniements qu’impose le métier ou qui s’imposent par les changements et les mutations sociales. L’identité professionnelle est aussi largement influencée et modifiée par les parcours de formation et les trajectoires professionnelles individuelles. Toute profession est animée d’un mouvement de professionnalisation et toute professionnalisation est un processus de socialisation et d’individualisation.

Tous ces paradoxes conduisent à des moments de crise ou de tension identitaire qui affectent non seulement le métier mais à travers lui c’est l’être entier qui entre dans un processus de transformation intérieure : «(…) ces changements de parcours professionnels sont aussi des modifications de "l’être" qui indiquent que les acteurs deviennent différents, jamais tout à fait les mêmes qu’avant. (…) Ce point de vue, relatif à l’étude du processus de "conversion identitaire", permet de comprendre comment "l’acquisition des savoirs" entraîne non seulement une modification de l’avoir (j’en sais plus aujourd’hui qu’hier) mais de l’être (je suis autrement aujourd’hui qu’hier), c’est-à-dire une modification identitaire » (Haissat, 2006, p. 126). Le terme de reconfiguration qui constitue le cœur de la recherche prend en compte tous ces réajustements identitaires tant personnels que professionnels et sociaux que le sujet est conduit à opérer pour effectuer une transaction entre son identité de kinésithérapeute et celle de fasciathérapeute.

L’identité professionnelle dans le carrefour kinésithérapie-fasciathérapie

Ma recherche s’inscrit dans le contexte général et historique de la professionnalisation de la kinésithérapie (Conseil National de l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes [CNOMK], 2010 ; Monet, 2011) et porte plus particulièrement sur le mouvement de professionnalisation spécifique d’une population de kinésithérapeutes. Ces professionnels choisissent d’abord de s’orienter vers la formation de fasciathérapie en vue de l’appliquer dans le cadre de leur métier quotidien. Ce choix de la fasciathérapie ne se fait pas au hasard. La majorité de ces professionnels trouvent dans la fasciathérapie un prolongement de leur métier et une manière de se former à une thérapie manuelle globale, humaniste voire d’améliorer leur approche du toucher dans une vision curative, perceptive mais aussi relationnelle. La fasciathérapie s’est d’ailleurs fait reconnaître dans le monde des thérapies manuelles en affirmant son statut de thérapie manuelle centrée sur le patient, prenant en compte le lien corps-psychisme et développant la dimension relationnelle du toucher. Née de la kinésithérapie et de l’ostéopathie, la fasciathérapie trouve son identité de pratique dans les propos de D. Bois, son fondateur : « Avec l’ostéopathie, je soignais un organisme. Avec la fasciathérapie, je concernais la personne dans sa totalité somato-psychique. J’introduisais alors ce qui fit la spécificité de la fasciathérapie, le toucher relationnel ou le point d'appui consistant à réaliser un ‘contact’ manuel qui déclenchait chez la personne un fort sentiment d’implication » (2008, p. 9).

Les kinésithérapeutes qui viennent à la fasciathérapie sont ainsi en quête d’une approche plus globale, plus proche du patient et surtout qui valorise le toucher. Ils trouvent ainsi matière à consolider ce qui pour bon nombre de kinésithérapeutes constitue le « cœur du métier » à savoir le massage ou le toucher envisagé à la fois comme acte curatif mais aussi comme contact, geste relationnel auprès du patient. Le rapport de l’Observatoire National de la Démographie des Professions de Santé (ONDPS) sur la kinésithérapie met en évidence cette dimension de la kinésithérapie à travers la parole des kinésithérapeutes : « Ce contact, tant concret que relationnel, est le cœur de la passion pour le métier. Le massage est, selon eux, un outil de diagnostic en même temps qu’une thérapeutique. Il est une thérapeutique physiologique dans bien des pathologies mais aussi une thérapeutique psychique dans toutes. Les patients sont demandeurs de ce  "soin du corps" qui est par construction un "soin de soi" » (Matharan, Micheau & Rigal, 2009, p. 6). Il est également à noter que pour ces nombreux praticiens, la kinésithérapie manuelle est associée à une kinésithérapie de qualité : les kinésithérapeutes manuels se considèrent comme des kinésithérapeutes vertueux parce qu’ils passent du temps auprès du patient et que le toucher prend en compte le patient dans sa globalité.

C’est donc dans cette perspective que s’inscrit la fasciathérapie en proposant une pratique manuelle qui développe simultanément et conjointement les dimensions curative et relationnelle du toucher. L’apprentissage de ce type de toucher implique fortement l’étudiant en formation comme le souligne H. Bourhis analysant les impacts de cette pédagogie sur des étudiants se formant à ce type de relation d’aide manuelle : « L’enrichissement des potentialités perceptives sollicite des habiletés qui dépassent le simple développement des sens tactile et proprioceptif (développement non négligeable dans l’acquisition du toucher), mais concernent fortement la formation existentielle de l’étudiant » (2007, p. 100). On peut ainsi légitimement envisager que cela provoque des remaniements identitaires tant professionnels que personnels.

On voit ici apparaître l’identité même du soin de fasciathérapie et les contours de sa professionnalisation. La formation à la fasciathérapie apparaît dès lors autant comme une formation à une pratique, à un métier qu’une formation de soi, de l’être humain. Pour être plus précis, l’implication dont il est question dans la fasciathérapie fait référence au touchant-touché. Le toucher de fasciathérapie est un toucher qui touche le patient mais qui également en retour touche le praticien. Cette notion de touchant-touché (Austry, 2009 ; Bois, 2006 ; Bourhis, 2007 ; Courraud, 2007, 2009) constitue une seconde caractéristique identitaire du toucher de la fasciathérapie : « Le toucher est ici considéré comme principiellement contact, et, donc abolition d’une distance. De plus, toucher signifie aussi être touché, donner de la valeur à ce contact, ce qui concourt à l’autorévélation du sujet à lui-même » (Bois & Austry, 2007, p. 15).

C’est bien évidemment dans ce contexte que se pose la problématique de ma recherche. Il s’agit pour moi d’étudier comment à travers ce toucher impliquant, le sujet se révèle à lui-même et se reconfigure tant dans son identité personnelle que professionnelle. Il s’agit pour moi de comprendre comment le kinésithérapeute renouvelle son identité professionnelle à travers ce toucher spécifique de la fasciathérapie : « Au-delà de la dimension technique des gestes faisant appel à une connaissance anatomo-physologique précise, au-delà de leur enjeu thérapeutique, nous pourrions résumer la dynamique de découverte propre au cadre d’expérience de la relation d’aide manuelle à travers l’intitulé suivant : toucher pour connaître, être touché pour se reconnaître » (Bois, 2008, p. 101).

Dès lors, on peut mieux cerner les enjeux de ma recherche. Mon enquête tentera d’accéder aux reconfigurations identitaires des kinésithérapeutes qui à travers le toucher de la fasciathérapie apprennent non seulement une pratique professionnelle mais apprennent d’eux-mêmes, découvrent à travers le changement de leur rapport au toucher une autre manière de faire et de percevoir leur métier ainsi qu’une autre manière de se percevoir et de s’identifier en tant que kinésithérapeute et/ou fasciathérapeute. Cette perspective s’inscrit pleinement dans une réflexion sur la formation en général et plus particulièrement sur celle du soignant. Former des soignants et se former en tant que soignant renvoie à la question de la professionnalisation dans le soin et à la dialectique formation de l’être humain et formation à un métier : « La problématique "formation professionnelle et/ou personnelle" s’inscrit donc dans celle, plus fondamentale, des rapports entre formation, personne et profession » (Honoré, 1992, p. 21).

Approche exploratoire des reconfigurations identitaires de kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie

Construire un questionnaire qui interroge les impacts de la fasciathérapie sur l’identité professionnelle me paraît être un défi car si les sociologues maîtrisent parfaitement l’approche quantitative pour aborder les aspects objectifs de l’identité (sexe, état civil, profession, etc…), il est plus rare et plus complexe d’utiliser une telle approche pour accéder au point de vue des personnes sur leur identité : « En effet, si la description fine des appartenances objectives de rôle et de statut relève du savoir-faire depuis longtemps éprouvé de la statistique publique, permettre aux personnes interrogées de donner sens à leurs appartenances et à certains évènements de leur trajectoire personnelle en faisant appel à leur subjectivité est une tâche innovante » (Crenner, Donnat, Guérin-Pace, Houseaux & Ville, 2006, p. 8).

Aussi, pour mieux approcher la question des reconfigurations de l’identité professionnelle et préparer mon enquête par questionnaire, j’ai réalisé une enquête exploratoire auprès des kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie. Mon objectif était de cerner des concepts clés concernant l’identité et de mettre en évidence des indicateurs me permettant une élaboration pertinente et ciblée des questions.

Choix de la population et du recueil de données

Pour réaliser cette pré-enquête, j’ai choisi de lire et d’analyser les bilans de formation que les étudiants de l’École Supérieure de Fasciathérapie réalisent chaque année dans le cadre du Diplôme Universitaire de Fasciathérapie[3]. Ces récits de formation ont été réalisés à partir d’un guide permettant aux étudiants de relater leur trajectoire vers la formation de fasciathérapie (contexte, attentes, quête professionnelle, expérience de la fasciathérapie) puis de décrire leur expérience de la formation pour ensuite en développer les acquis (personnels et professionnels). Il était demandé aux étudiants de décrire leur vécu de la formation et de rester collés à leur expérience. Le choix de ce recueil de données m’est apparu pertinent car il était rédigé par des kinésithérapeutes ayant achevé leurs quatre années de formation et qui de mon point de vue présentaient l’expérience et la durée de pratique nécessaires pour témoigner de leur expérience conjointe de l’exercice de la kinésithérapie et de la fasciathérapie. Leur motivation à obtenir le diplôme de fasciathérapeute était aussi un gage d’implication et d’engagement dans la fasciathérapie. Il me semblait qu’à travers une lecture orientée par mon questionnement de recherche, j’aurais accès à des informations décisives concernant les changements et les reconfigurations identitaires. En revanche, ces récits de formation ne pouvaient constituer le recueil de données final en raison justement du contexte dans lequel ils ont été rédigés. Le fait qu’ils aient été écrits en vue de l’obtention du diplôme et lus par moi-même leur formateur, n’était pas garant d’une totale neutralité et liberté d’écriture.

J’ai choisi de lire neuf (9) récits de formation (six (6) femmes et trois (3) hommes) ce qui représente un matériau de deux cent vingt (220) pages.

Méthode d’analyse des données

Cette immersion dans l’écriture des étudiants s’est révélée une source de données riches et exemplaires me permettant de mieux appréhender leur parcours de formation et leurs remaniements identitaires. Pour procéder à l’analyse de ce matériau, j’ai fait le choix d’une méthode d’analyse exploratoire.

Dans un premier temps, j’ai procédé à une lecture par immersion pour prendre contact avec les données puis je me suis replongé dans les données avec l’intention de relever tout ce qui avait trait aux thèmes suivants :

  • les changements identitaires concernant la sphère personnelle, sociale et professionnelle. Deux catégories émergentes sont apparues à la lecture : la sphère de l’identité existentielle et la sphère de l’identité en santé ;
  • les propos se rapportant à l’articulation entre la fasciathérapie et la kinésithérapie dont ont émergé les thématiques du rapport au métier, du carrefour kinésithérapie/fasciathérapie, des compétences face à la maladie, du changement de la patientèle et de la dimension de formation dans le soin.

Au cours de cette lecture, se sont révélées à moi deux catégories émergentes : les mutations identitaires rassemblant les propos concernant un changement de métier de la kinésithérapie vers la fasciathérapie et les conversions du cœur de métier rapportant les changements relatifs au rapport au toucher, au corps et à la posture professionnelle. Au total, j’ai donc relevé quatre (4) grandes catégories (deux a priori et deux émergentes) que j’ai nommées ainsi : impacts identitaires, reconfigurations professionnelles, mutations identitaires et conversions identitaires.

Dans un deuxième temps, j’ai procédé à une analyse interprétative des données en mettant en rapport les thèmes et en reconstruisant une logique de professionnalisation allant des conversions identitaires aux reconfigurations professionnelles en passant par les impacts sur les différentes facettes de l’identité. Cette organisation thématique laisse entrevoir une dynamique de reconfiguration de l’identité professionnelle du kinésithérapeute formé à la fasciathérapie.

Premiers résultats

J’ai choisi de présenter ces premiers résultats selon cette logique qui peut illustrer un tel processus de reconfiguration identitaire chez les kinésithérapeutes se formant à la fasciathérapie. En premier lieu j’ai ainsi placé les mutations identitaires afin de montrer qu’il se produit un véritable changement de l’identité professionnelle. Ensuite, j’ai mis en évidence les conversions du cœur de métier qui m’apparaissent comme décisives dans ce processus de changement. Viennent ensuite les impacts sur les différentes facettes de l’identité comme conséquence des conversions et enfin les reconfigurations viennent à la fin pour rendre compte cette fois-ci des modifications apportées à la pratique professionnelle.

1. Mutations identitaires

Une première lecture donne à voir une mutation de l’identité professionnelle du kinésithérapeute selon différentes modalités. On peut d’ores et déjà constater une remise en question de l’identité professionnelle quand les étudiants témoignent d’un changement de statut de leur métier ou d’un sentiment d’éloignement de la kinésithérapie. Il semble qu’il y ait une tension identitaire entre kinésithérapie et fasciathérapie et que la fasciathérapie provoque une remise en question de l’identité du kinésithérapeute. On observe également dans les propos différentes formes de mutation qui rendent compte des natures de changement qui s’opèrent. Ainsi une participante parle du changement de son statut professionnel ce qui nous fait penser à une mutation de la représentation personnelle et sociale de celui-ci : « Mon métier de kinésithérapeute est en train de changer de statut... » (C). Cet autre étudiant quant à lui témoigne d’un réel changement de paradigme quand il se rend compte que la fasciathérapie n’est pas une technique kinésithérapique mais d’abord un point de vue sur l’homme en général : « Je venais pour apprendre une nouvelle technique, et je repars avec en quelque sorte une nouvelle conception de mon métier, des patients, et de l’être humain en général » (S). Enfin deux autres personnes dévoilent une véritable mutation identitaire avec une sensation que la fasciathérapie a donné naissance à une nouvelle identité professionnelle : « J’ai changé de métier. Masseur kinésithérapeute j’étais, Fasciathérapeute je suis devenue » (M) ; « Evidemment, on s’éloigne radicalement de la kinésithérapie classique » (A). Ces témoignages les plus marquants que l’on retrouve également chez les autres participants nous confirment que la fasciathérapie tend à créer une rupture ou une crise identitaire dans la profession de kinésithérapeute. Les étudiants qui vont au terme de leur formation nous donnent une idée de cette conversion identitaire qui s’opère dans l’apprentissage de la fasciathérapie. Les données telles qu’elles ont été recueillies ne nous permettent pas réellement de préciser de quel type de changement de statut ou de conception il est question pour ces praticiens mais doivent nous pousser à en explorer la nature.

2. Conversions identitaires

En approfondissant la lecture et en me questionnant sur ces mutations identitaires, il m’est apparu que les étudiants qui témoignaient de l’expérience marquante de leur parcours de formation insistaient sur le renouvellement du rapport à leur posture en formation et sur le changement du rapport au toucher et au corps qui constituent le terrain familier de leur pratique. En se rappelant que ces professionnels sont des experts du toucher et des spécialistes du corps, il était intéressant de constater que la fasciathérapie a réellement opéré une conversion de ces aspects fondamentaux de leur métier. On voit bien apparaître dans les témoignages un profond remaniement du cœur du métier.

Conversion de la posture : entrelacement personnel et professionnel, être soignant et être soigné

La lecture de l’ensemble des écrits laisse entrevoir une conversion de posture et cette étudiante formule très bien le changement de posture qui s’opère pour le kinésithérapeute qui devient fasciathérapeute : « Devenir fasciathérapeute est une odyssée originale alliant le développement personnel et la formation professionnelle. Je ne pensais pas avoir accès à cette danse où les deux se mêlent et s’entremêlent dans une réciprocité touchante permettant de donner cohérence et sens à l’être humain que je suis. Je n’ai pas seulement adopté une posture où j’étais thérapeute. J’étais une personne qui se faisait traiter » (ML). Non seulement les postures, développements personnel et professionnel, sont indissociables mais c’est ce qui donne sens et cohérence au projet professionnel et existentiel de cette étudiante. De plus elle évoque toute l’importance de passer du statut de thérapeute à celui de patiente et de personne. Cette importante réciprocité entre identité personnelle et professionnelle et entre être soignant et être soigné constitue probablement un des aspects essentiels de la formation du soignant puisqu’elle renvoie à la question de la dialectique entre professionnalisation du soin et humanisation. L’ensemble des témoignages rapportés par les étudiants semble rendre compte de ces changements identitaires réciproques tant personnels que professionnels.

Conversion du toucher : toucher la vie, être touché, rencontre avec soi, déploiement de soi

En ce qui concerne le changement de rapport au toucher, je me suis concentré sur les témoignages rapportant les effets formatifs du toucher. En effet, tous les écrits font référence au changement de la perception du toucher tant dans sa qualité perceptive (étendue, profondeur, globalité) que dans son efficacité clinique (efficacité symptomatique, précision technique), mais ce que j’ai voulu mettre en relief ici ce sont les témoignages qui relevaient d’un réel changement de paradigme du toucher et qui pouvaient parler de la profondeur du toucher et de sa dimension de prendre soin. Ainsi, il apparaît une conversion du toucher et un changement de visée du toucher qui se centre non plus sur le symptôme ou la maladie mais se préoccupe et rencontre la partie vivante et non malade de la personne et du corps : « J'avais l'impression de toucher la vie, le vivant de la personne » (C). Ce témoignage est unanime et cette expérience inédite du toucher produit une seconde conversion puisque le praticien découvre qu’il est lui-même touché par ce qu’il touche et que cette manière de toucher lui donne accès à un sentiment d’identité, de présence et de profondeur comme si ce toucher actualisait, dévoilait des qualités humaines et relationnelles inédites : « Cette animation venait me toucher dans ma profondeur » (ML) ; « Elle est venue toucher et unifier mon être dans sa totalité, toucher ma vie me donnant ainsi l’accès à un sentiment de globalité et de présence à moi-même tout à fait savoureux » (J) ; « Je ne rencontrais pas uniquement des structures anatomiques : le tissu, les muscles ou l’os, je me rencontrais. J’étais touchée parce que le soin me faisait du bien, me faisait grandir de l’intérieur, une partie de moi se déployait » (M). Ces différents témoignages dévoilent la conversion du toucher qui devient un support de formation de soi et de transformation de sa manière d’être et de faire dans le soin.

Conversion du rapport au corps : découverte d’un soi profond et unifié, de manière d’être à soi et d’un référentiel de perception et de relation

En ce qui concerne les changements du rapport au corps, l’analyse montre une conversion vers un corps moins anatomique, moins physiologique, plus vivant et sensible mais on peut constater que le kinésithérapeute découvre son propre corps et que cette découverte est centrale dans le processus de reconfiguration identitaire. À travers cette nouvelle relation à son corps, le kinésithérapeute se découvre et prend conscience de nouvelles manières d’être avec lui et dans le soin. Il est intéressant de constater cet intérêt naissant du kinésithérapeute pour son propre corps qui d’ordinaire est plus préoccupé par le corps d’autrui. Ce nouveau rapport au corps semble également avoir des effets positifs sur l’identité du kinésithérapeute, les témoignages tendant à montrer qu’à travers le corps les étudiants découvrent la partie la plus profonde, la plus vraie, la plus authentique d’eux-mêmes : « mon corps pouvait exprimer quelque chose de beau et une émotion simple et positive » (L) ; « Mon corps m’a permis ce beau chemin d’unification de qui j’étais en rassemblant corps et psychisme » (ML) ; « Au travers de la perception de mon corps, c’est moi-même que je découvrais. Je naissais à moi-même » (J). En même temps, ce nouveau rapport au corps devient un référentiel permettant de se percevoir dans tous les instants de sa vie : « Je constatais que mon corps était devenu, au niveau professionnel et personnel, un référentiel sur lequel je pouvais m’appuyer pour percevoir et ressentir mon bien-être ou mon mal-être » (ML). Il affecte également profondément l’identité relationnelle en devenant également le lieu de la perception de soi dans la relation : « Je découvrais que c’est mon corps entier qui pouvait écouter. Je découvrais une nouvelle relation à mon corps, que je ressentais comme la découverte d’une vraie qualité d’écoute. Je découvrais que l’écoute humaine, sensible, profonde, globale passait par mon corps » (J) ; « Il y a en moi un être de relation et le corps est le lieu de cet être de relation » (L).

Ces résultats préliminaires nous font entrevoir la profondeur de la conversion qui s’opère dans le cœur du métier du kinésithérapeute. On assiste à une rupture de repères et de représentations concernant la formation, le corps et le toucher. Ces conversions apparues spontanément ici seront un axe décisif de la recherche pour comprendre l’enracinement et le lieu de déploiement des reconfigurations identitaires.

3. Impacts identitaires

Ces conversions identitaires concernant le cœur même du métier de kinésithérapeute viennent affecter profondément l’identité globale du kinésithérapeute. Il semble ainsi que la fasciathérapie touche profondément le noyau identitaire du kinésithérapeute et il est possible de rendre compte à travers la lecture des témoignages des étudiants des impacts de ces conversions identitaires sur les différentes facettes de l’identité. Pour prendre en compte la diversité et la multiplicité de la notion d’identité, j’ai relevé dans les témoignages ce qui paraissait être de l’ordre de l’identité personnelle, sociale, existentielle, professionnelle à laquelle se rajoute ce que j’ai nommé le soi en santé pour rendre compte des impacts sur la santé du soignant.

En premier lieu, on peut relever les impacts sur le soi personnel : les témoignages rendent véritablement compte au cours de leur formation d’une rencontre avec eux-mêmes et surtout avec un sentiment d’unité, de globalité comme si la formation leur permettait de se rassembler et d’unifier les différents aspects de leur vie : « Toutes ces sensations me donnaient une globalité corps/psychisme, une globalité de moi-même, globalité d’unité avec mon environnement » (J). Ce sentiment d’unification est intimement relié à la conscience d’une plus grande authenticité et réalité de soi-même comme personne et thérapeute : « En plus d'avoir appris une technique, je me suis connecté à ma véritable nature et j'ai gagné en authenticité » (C); « Être moi-même simplement » (Y).

En second lieu, on constate également des impacts sur le soi social et sur la manière d’être avec les autres avec une découverte d’une plus grande stabilité, consistance, confiance dans les relations et face aux évènements de la vie : « Je me sens plus adaptable dans ma vie de tous les jours, capable de mieux faire face, d’accepter facilement les aléas quotidiens » (R) ; « plus globale, plus stable, plus solide, plus consistante, de prendre de l’assurance, de faire confiance à la vie, à ma vie » (P).

En troisième lieu, et de façon très fréquente, on observe un impact sur le rapport à la vie et à l’existence. Les étudiants témoignent d’un nouvel élan dans leur vie, d’une plus grande présence et du sentiment de se sentir plus en phase, plus proche avec celle-ci et de vivre une vie plus douce et plus cohérente : « Mon existence est comme remise en route, comme si le mouvement s’était réintroduit dans une vie bridée, me permettant d’avancer à nouveau » (A) ; « Je sens que je suis dans le présent, dans mon mouvement, à ma place, dans ma vie » (M) ; « Le sentiment d’être parfaitement à ma place » (J) ; « La vie petit à petit m’est apparue plus douce » (P) ; « J’ai pu me rassembler, m’unifier et peu à peu donner sens à ma vie » (P).

En quatrième lieu, il apparaît des impacts sur ce que j’ai nommé ici soi professionnel en raison des témoignages qui rapportent des changements dans la manière d’être dans le soin. Au cours de la formation, on pressent qu’à travers la fasciathérapie, les étudiants actualisent des qualités humaines en rapportant les changements dans leur qualité d’écoute, de présence ainsi qu’une plus grande attention et implication dans le soin : « je suis plus attentive et adaptable à la demande de la personne qui arrive en soin » (ML) ; « Globalité de présence et d’implication de moi-même, globalité de présence et d’implication à l’autre : globalité de la relation » (J). Ces découvertes sont perçues par les étudiants comme l’édification d’un socle de confiance dans la thérapie : « De ce premier contact avec le sensible, un sentiment de confiance est né. Ainsi, face au patient et dans ma pratique en cabinet, j’ai commencé à ne plus systématiquement douter de mes qualités de thérapeute » (L). Il en résulte un changement de rapport à soi, à sa pratique et au patient que les étudiants identifient par le sentiment d’être plus doux : « Cette douceur dans le geste me porte à adoucir également ma posture, sortant une nouvelle fois de la posture froide d’expertise » (L) ; « Il me semble que je suis depuis plus doux, plus à l’écoute » (R) ; « J’avais oublié qu’en moi il pouvait y avoir autant de douceur » (A).

Pour terminer cette première approche des impacts identitaires, il me semble important de relever les effets de la formation sur la santé du kinésithérapeute et que j’ai nommé le soi en santé. J’ai été surpris de constater que les étudiants relevaient de façon assez récurrente les aspects soignants de la fasciathérapie envers eux-mêmes. Ce constat renvoie à une certaine souffrance du monde soignant et à une demande de la part du monde soignant d’apprendre à prendre soin de soi. J’ai pu relever des impacts tant sur le plan des troubles somatiques que psychiques ou sur le mal-être et le mal-vivre : « Quand j'ai commencé la formation, j’étais insomniaque. Je me sentais très angoissée la nuit. Je me rends compte que j’étais dans un mal-être mais n'en avais pas forcément conscience avant. Je suis plus à l’écoute de mon corps et donc plus sereine. J'ai gagné en quantité et en qualité de sommeil » (C) ; « À travers ces quatre années, j’ai perçu que mon corps était dans un étau, sorte de cuirasse endurcie qui m’empêchait d’être moi réellement. Au fur et à mesure des traitements et des apprentissages, cette cuirasse a lâché. Je suis devenue plus mobile dans mon corps et dans mon esprit. J’ai fait la paix avec mon passé et je me suis autorisée à être heureuse pour moi et non pour les autres » (M) ; « Une quarantaine d’années durant j’ai subi ma vie qui m’était fardeau. Je la sentais me balloter, me malmener. J’étais mal dans ma peau et me sentais victime, de moi-même, des autres, de la vie » (P). On peut dès lors s’imaginer les conséquences de cette nouvelle santé sur la qualité des soins et sur les relations avec le patient, mais aussi évidemment sur la qualité de vie des thérapeutes.

Ce chapitre rend bien compte des rapports entre identité professionnelle et identité personnelle. Il apparaît clairement que la fasciathérapie participe pleinement au développement et à l’épanouissement de l’homme par et dans son travail. On touche à un aspect essentiel des rapports entre métier, profession et identité qui méritera d’être approfondi dans l’écriture de la recherche doctorale. La fasciathérapie permet l’actualisation de qualités humaines qui se retrouvent autant dans le champ de l’activité professionnelle que personnelle. C’est probablement dans cette perspective que la fasciathérapie peut être envisagée comme une approche qui se préoccupe autant du soignant que du soigné.

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4. Reconfigurations professionnelles

Après cette première catégorisation des impacts de la fasciathérapie sur les différentes facettes de l’identité du kinésithérapeute, j’ai orienté mon analyse de façon plus précise sur les changements concernant la pratique professionnelle de la kinésithérapie afin de relever ce qui paraît témoigner d’une forme de reconfiguration professionnelle. J’ai ainsi catégorisé six (6) formes de renouvellement concernant la valeur et le sens du métier de kinésithérapeute, sa conception et sa représentation, son enrichissement et son ouverture vers de nouvelles perspectives.

Un rapport au métier plus investi, valorisant, satisfaisant, passionnant et redynamisant

En premier lieu, je relève un renouvellement du rapport au métier. Les étudiants semblent trouver au contact de leur formation un nouvel élan et un nouveau souffle dans leur métier qu’ils caractérisent par un investissement et une implication plus grands : « Désormais, je me sens plus investie dans mon travail : je ne traite plus seulement les maux physiques mais une personne avec son état psychique associé. Je ne suis plus simplement la kinésithérapeute qui soulage les douleurs » (C). Pour cette étudiante, c’est la prise en charge globale somato-psychique qui stimule son activité et qui change son rapport à son identité de kinésithérapeute. On peut également noter des témoignages qui vont dans le sens d’une satisfaction et d’une valorisation plus grande de leur métier de kinésithérapeute et de leur personne : « Je recherche plus de qualité dans mes soins ; cela me valorise et donne de l'importance à mon nouveau métier » (C) ; « Je ressens plus de satisfaction dans mon travail ; aujourd'hui, j'ai une certaine satisfaction de mon métier, qui est devenu passionnant depuis que je pratique cette méthode » (M) ; « Je suis enchanté de connaître cette technique sans quoi j'aurais mis en suspens le métier de kinésithérapeute » (L). Certains étudiants y trouvent même un nouveau dynamisme voire retrouvent le goût et la vocation pour leur métier.

Complémentarité kinésithérapie/fasciathérapie

En ce qui concerne les rapports entre kinésithérapie et fasciathérapie, les écrits des étudiants nous font entrevoir une complémentarité voire un enrichissement de la pratique clinique quotidienne et même dans certaines situations une ressource quand le praticien ne trouve pas d’issue à la problématique à travers son approche kinésithérapique : « La fasciathérapie s’est facilement intégrée à ma pratique professionnelle » (A) ; « J’ai appliqué mes techniques de fasciathérapie en kinésithérapie » (M) ; « J’ai gagné en efficacité » (S) ; « J’ai pris le parti d’utiliser la fasciathérapie comme un atout que je sors de mon jeu lorsque nous n‘avançons plus, que nous avons tout fait » (A). Ce carrefour kinésithérapie/fasciathérapie mérite d’être approfondi pour mieux saisir les apports spécifiques de la fasciathérapie dans la kinésithérapie. C’est ce que vont permettre les catégories suivantes.

Création d’une nouvelle patientèle

Si on entre maintenant dans l’analyse des changements au sein de la pratique kinésithérapique, on peut relever que les étudiants voient progressivement évoluer leur patientèle comme le rapporte de façon significative ces deux témoignages : « Cette nouvelle façon de travailler m’a apporté une nouvelle patientèle. Soit des patients que je connaissais et qui viennent maintenant me voir pour des pathologies différentes qui ne concernent pas la kinésithérapie, soit des nouveaux patients qui ont entendu parler de cette méthode » (S) ; « Ma patientèle a changé en quatre ans. Je rencontre deux types de patients : ceux qui viennent pour des douleurs, très souvent avec des polypathologies, ou sans diagnostic réel, mais pour lesquels je suis le dernier recours ; ceux qui viennent pour eux, pour apprendre de leur corps » (C). On voit apparaître une mutation de la clientèle “habituelle” mais aussi un nouveau type de patient en demande de soin de fasciathérapie avec des problématiques qui de prime abord ne sont pas du ressort de la kinésithérapie et des demandes de prise en charge plus éducatives que curatives.

Une capacité à prendre en charge des pathologies, des patients et des situations plus complexes

Cette analyse de la mutation de la patientèle est éclairée par les propos des kinésithérapeutes qui rapportent de quelle manière la fasciathérapie a fait évoluer leur capacité à soigner des pathologies plus complexes et des patients qui nécessitent une prise en charge plus globale : « En plus du traitement des pathologies classiques de kinésithérapie pour lesquelles j’ai gagné en efficacité, j’ai aujourd’hui des patients qui viennent me voir pour une migraine, une sinusite, un stress important, voir une dépression » (S) ; « des pathologies lourdes, des situations dramatiques qui m'auraient effrayé éveillent aujourd'hui en moi un devoir de solidité et d'empathie : enfants handicapés et parents déboussolés ou culpabilisants, personnes atteintes de cancers déclarés, femmes battues et violentées, leurs souffrances ne m'effraient plus » (R) ; « Pour ces patients très algiques, la douceur de la fasciathéapie est rassurante, efficace à 90 % » (A). Ces praticiens semblent développer à la fois des compétences techniques pour s’adresser à des problèmes physiques mais également des qualités humaines qui leur permettent de trouver des ressources pour accompagner et soulager des souffrances psychiques liées à des maladies ou à des évènements de vie.

Une prise en charge plus globale centrée sur la personne non-malade plutôt que sur la pathologie

Cette dimension d’accompagnement du patient et de centration sur la personne malade ou souffrante plutôt que sur la maladie ressort de façon très claire dans les témoignages. À leur manière, les participants font apparaître leur changement de posture et leur tendance à prendre en compte la partie vivante et non malade du patient : « Je ne prends plus en charge une pathologie à soigner, mais une personne avec ses facilités et surtout ses difficultés » (S) ; « Je ne rééduque plus la personne à ne plus avoir mal mais à percevoir autre chose d’elle-même » (M) ; « Je n'ai plus l'impression de ne soigner qu'une partie anatomique en souffrance, mais plutôt une personne dans sa globalité avec ses états d'âmes associés » (C) ; « Je suis plus motivée pour accompagner la personne dans sa globalité somato-psychique » (ML). On peut ainsi voir émerger une nouvelle conception du patient, de la maladie et de la santé et une ouverture vers une autre manière d’appréhender le patient en souffrance en se centrant sur ses ressources et ses potentialités internes.

Une approche plus globale intégrant au soin une dimension éducative et accompagnante

Dans cette perspective, on voit apparaître un changement dans la stratégie de soin des participants qui semblent découvrir avec intérêt une dimension d’accompagnement, d’éducation du patient et une nouvelle manière d’être en relation avec lui : « Je ne suis plus le thérapeute, mais j'accompagne la personne à prendre soin d'elle » (C) ; « Je suis moins dans l'envie de guérir l'autre, de vouloir à tout prix bien faire », « j'apprends de l'autre », « je dois aussi recevoir de l'autre » (C) ; « Mon rapport aux patients a changé. Je suis aujourd'hui capable d'écouter, de comprendre et de recevoir des plaintes » (R) ; « Je m’aperçois que je n’ai plus envie de travailler avec la partie maladive et plaintive de la personne, mais que j’ai plutôt envie d’être la partenaire de la partie positive et vivante qui réside chez la personne et en chacun de nous » (ML) ; « J’accompagne (tout de moi) la personne à prendre soin d’elle à travers la médiation corporelle pour un retour à une meilleure autonomie » (M). Ces témoignages rendent compte d’une reconfiguration de la posture de soignant qui tend à actualiser dans sa pratique de soin une dimension d’éducation et on voit apparaître un passage d’une dynamique de soin à une dynamique de prendre soin.

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Ces premiers résultats font émerger des changements concernant les aspects professionnels. On voit principalement apparaître un enrichissement du métier initial mettant en relief les compétences vers lesquelles tend le kinésithérapeute se formant à la fasciathérapie. Il semble aussi que la fasciathérapie contribue à modifier l’image du kinésithérapeute, sa valeur et son sens. Cette question fera l’objet d’une attention particulière dans la suite de ma recherche car elle met en évidence les rapports entre le professionnel et son métier. La question de la reconnaissance de sa valeur professionnelle par soi et par les autres est fondamentale dans la construction de l’identité professionnelle.

Synthèse et discussion théorique

Après ce parcours au cœur des témoignages des kinésithérapeutes qui font le bilan de leur formation professionnelle de fasciathérapie, il se dessine des lignes directrices de réflexion sur la question de recherche, tant du point de vue théorique que méthodologique. La première concerne le processus de professionnalisation du kinésithérapeute à travers le toucher de la fasciathérapie et les enjeux identitaires spécifiques qui s’y jouent. Ma réflexion portera donc sur la question fondamentale du soin, du toucher et de sa professionnalisation dans le contexte de la kinésithérapie. La seconde rejoint la question centrale de la thèse qui porte sur l’identité professionnelle du kinésithérapeute-fasciathérapeute et plus particulièrement sur le processus de reconfiguration qui a été approché dans cet article. Il me semble que les résultats préliminaires orientent ma recherche vers la place du métier sur le développement personnel et l’accomplissement de soi ainsi que sur l’importance, le sens et la valeur du métier dans la perception de soi. Cette approche de l’identité devra être complétée par une étude plus approfondie de la manière dont le kinésithérapeute-fasciathérapeute est perçu et reconnu par ses collègues, les institutions, les patients et les autres professionnels de santé.

Une réflexion sur la question du soin, du toucher et de sa professionnalisation

L’identité professionnelle du soignant est aujourd’hui en pleine mutation en raison d’une reconfiguration du paysage du soin et de la santé. Conscients des limites d’un modèle bio-médical exclusif, centré sur le traitement des maladies, de nombreux auteurs font la promotion d’un modèle global de santé (D’Ivernois, 2008 ; Gagnayre & D’Ivernois, 2003 ; Gatto, 2005) qui place le patient au cœur du projet de soin. On voit ainsi surgir avec insistance une réflexion philosophique et éthique sur le sens profond du soin et ses perspectives : le soin comme technique, comme relation et comme formation (Halpern,  2006 ; Honoré, 1992, 2003 ; Tronto, 2009 ; Worms, 2006). L’identité professionnelle du soignant apparaît comme une identité spécifique devant articuler qualités humaines et techniques. La kinésithérapie n’échappe pas à cette tendance, mais comprendre cette identité professionnelle spécifique ne peut se faire sans prendre en compte la place centrale du toucher dans l’identité du soin de kinésithérapie et dans celle du kinésithérapeute.

Grâce à cette première approche exploratoire, il est possible de commencer à cerner le type de professionnalisation que le kinésithérapeute déploie à travers l’apprentissage de la fasciathérapie. Il apparaît tout d’abord nettement que la fasciathérapie participe à la formation globale du kinésithérapeute en contribuant à unifier la dimension technique de la thérapie manuelle avec la dimension humaine du toucher. On constate que les kinésithérapeutes opèrent une véritable conversion de leur toucher leur permettant d’actualiser des qualités nouvelles (toucher du vivant, être touché, déploiement de soi) qui changent le rapport du sujet à lui-même et à son métier. On peut commencer à voir apparaître le processus formatif spécifique du kinésithérapeute qui se forme à la fasciathérapie et le type de professionnalisation à l’œuvre dans le toucher de la fasciathérapie. Ces premiers résultats font apparaître que le toucher de la fasciathérapie recouvre les différents sens du soin : le toucher apparaît comme un soin, mais aussi comme manière de prendre soin du patient et du kinésithérapeute et comme support d’actualisation du sujet. On s’approche ici d’une vision profonde et globale du soin manuel.

En dehors de ce processus de professionnalisation du toucher, on se rend compte que la fasciathérapie ne délivre pas seulement un titre professionnel, une compétence ou une spécialité en kinésithérapie. Elle change profondément l’identité professionnelle du kinésithérapeute qui témoigne d’un changement de son statut, de sa position face au patient, ou de sa vocation pour le métier. On voit même émerger pour certains participants de nouvelles perspectives professionnelles et l’envie de changer de métier pour devenir fasciathérapeute. On assiste ainsi à une mutation de la vision et de la conception du soin, de la fonction de soignant et du statut du patient qui laisse deviner les contours du nouveau métier que les kinésithérapeutes construisent à travers la fasciathérapie. Les témoignages rendent compte d’un réel changement de paradigme du soin : le kinésithérapeute se préoccupe plus de la partie non-malade du patient, il sollicite ses potentialités et l’appréhende dans une globalité.

Une dynamique processuelle spécifique de reconfiguration identitaire

Cette enquête exploratoire donne également des repères pour mieux comprendre le processus de reconfiguration identitaire du kinésithérapeute. La lecture des témoignages semble éclaircir la dynamique de reconfiguration identitaire qui s’opère à travers l’apprentissage du toucher de la fasciathérapie.

Les conversions identitaires concernent le toucher, le corps et la posture professionnelle et semblent modifier profondément le « cœur du métier » de kinésithérapeute. Ces nouveaux rapports sont probablement déclencheurs d’un ensemble de changements identitaires concernant le métier mais aussi la personnalité du kinésithérapeute. On assiste ainsi à une reconfiguration professionnelle qui affecte globalement et réciproquement toutes les facettes de l’identité (professionnelle, personnelle, sociale, existentielle). Cette interaction entre formation professionnelle et formation personnelle est perçue à la lecture des témoignages, comme étant primordiale, cohérente et porteuse de sens. C’est dans cette réciprocité que les participants saisissent le sens de leur formation et en perçoivent l’originalité et la spécificité.

On constate dès lors une interaction très forte entre les apprentissages au sein de la formation professionnelle et la vie personnelle. Les participants décrivent bien les changements qu’ils ont opérés et perçus dans leur perception d’eux-mêmes, dans leur relation aux autres et vont même jusqu’à témoigner d’une véritable thérapie pour eux-mêmes et d’un renouvellement du sens de leur vie. On peut ainsi considérer que le métier de fasciathérapeute favorise l’accomplissement de soi, l’acquisition de nouvelles capacités de réflexion ou de stratégies pour faire face aux événements de la vie. Ces premiers résultats nous confirment les rapports étroits entre identité professionnelle et personnelle et nous permettent de mieux saisir les rapports entre métier et sens de l’existence (Dejours, 1980, 1995). Dans le contexte spécifique du soin, ces résultats contribuent à valoriser et à éclairer les liens entre formation professionnelle et formation de l’être humain (Honoré, 2003).

Dans ce contexte, on voit émerger un repositionnement identitaire professionnel puisqu’à travers la fasciathérapie, les participants reconstruisent le rapport à leur métier de kinésithérapeute, leur position au sein de celui-ci et le regard qu’ils portent sur leur profession. La fasciathérapie contribue à enrichir le métier de kinésithérapeute en offrant de nouvelles compétences pouvant s’inscrire dans les soins de kinésithérapie mais pouvant également résoudre des problématiques qui sont en lien avec des pathologies, des situations professionnelles et des patients complexes. Ces ressources nouvelles que le kinésithérapeute actualise à travers la fasciathérapie, lui permettent de s’ouvrir à de nouvelles perspectives professionnelles telles que le champ de l’éducation, de l’accompagnement et la prise en charge globale des patients. On voit même progressivement les participants témoigner de la mutation de leur patientèle dont la demande est orientée spécifiquement sur la fasciathérapie. Ces remaniements professionnels participent à modifier l’image et la représentation que le kinésithérapeute a de son métier et contribuent probablement à lui donner une valeur, un statut et une identité au sein de la kinésithérapie, à acquérir une « identité pour soi » (Dubar, 2009).

Conclusion et perspectives pour la recherche

Cette première enquête exploratoire confirme l’intérêt de mener une recherche sur cette identité professionnelle qui prend naissance dans le carrefour kinésithérapie/fasciathérapie et donne des pistes pour explorer plus profondément et sur une plus grande population ces premiers résultats. En effet, cette recherche ayant pour objectif l’étude d’un groupe professionnel et son identité collective, le questionnaire est l’outil privilégié pour ce type d’enquête. Cependant comme je l’ai souligné, mener une enquête quantitative autour de la question de l’identité professionnelle est un défi qui exige une préparation : « Rédiger un questionnaire consiste à traduire les questions de recherche en indicateur puis, dans un second temps, en questions qui seront posées aux enquêtés » (Parizot, 2010, p. 99). Dans cette perspective, le travail d’enquête qualitative s’est révélée décisif pour la suite de la recherche et bénéfique pour mener à bien un questionnaire ciblé sur l’objet de recherche.

Ma problématique de recherche concernant les reconfigurations de l’identité professionnelle du kinésithérapeute se formant à la fasciathérapie se retrouve ainsi approchée par quatre thèmes centraux : les mutations identitaires, les conversions du cœur de métier, les impacts identitaires et les reconfigurations professionnelles. Chacun de ces thèmes a ensuite été fractionné en notions et chaque notion approchée par plusieurs indicateurs (voir organigramme du thème des impacts identitaires en annexe). Dans ce contexte, cette enquête exploratoire a réellement rempli sa fonction de préparation en me permettant d’élaborer une suite logique allant du concept à la notion puis aux indicateurs pour élaborer les questions du questionnaire qui nous permettra enfin la saisie et l’interprétation de données plus généralisables sur les reconfigurations de l’identité professionnelle du kinésithérapeute au contact de la fasciathérapie.

L’enquête par questionnaire devrait donc compléter et enrichir l’enquête qualitative et la prolonger en me permettant de :

  • Vérifier et généraliser sur un grand nombre les résultats qui sont apparus dans l’enquête qualitative
  • Relever à partir d’indicateurs objectifs les changements concernant l’activité et la pratique professionnelle
  • Recueillir des informations signalétiques qui rendront compte de la diversité de l’identité collective du groupe des kinésithérapeutes-fasciathérapeutes

Dans ce contexte, les deux enquêtes qualitative et quantitative prennent tout leur sens et se complètent pour me permettre d’accéder aux dimensions subjectives et objectives de l’expérience des reconfigurations identitaires telle que vécue par un plus grand nombre de kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie.

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Annexe : Exemple d’organisation d’un thème du questionnaire - Thème des impacts identitaires

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[1] La fasciathérapie méthode Danis Bois est une thérapie manuelle fondée dans les années 80 par le Pr D. Bois kinésithérapeute et ostéopathe de formation

[2] Organisme de formation continue d’adultes qui dispose d’un département de formation continue des kinésithérapeutes à la fasciathérapie méthode Danis Bois

[3] Les personnes se sont vues attribuer une lettre pour garder l’anonymat

Christian Courraud

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La revue "Réciprocités"

Cet article est issu de notre revue :

Numéro 06 - Recherches doctorales au sein du CERAP

Ce numéro de la revue Réciprocités est le premier à être entièrement consacré aux recherches doctorales en cours au sein du CERAP. Tous les articles présentés ont été soumis au comité de lecture international récemment mis en place.

Quatre articles ont été sélectionnés, couvrant des champs aussi différents et importants que l’évolution du métier de fasciathérapeute (article de Christian Courraud), les liens entre soin et formation (article de Doris Cencig), le concept de joie ontologique et le processus d’enrichissement personnel (article de Jean-Philippe Gauthier), ou encore l'expérience de mutation de paradigme chez le praticien qui devient chercheur (article de Anne Lieutaud).

Elles mettent en oeuvre des méthodologies de recherche différentes, comme la recherche et l’analyse qualitative (Doris Cencig et Anne Lieutaud), dont le Cerap s’est fait jusqu’ici une spécialité, mais aussi la recherche sociologique de terrain (Christian Courraud) ou la recherche heuristique radicalement à la première personne (Jean-Philippe Gauthier)